1929-1934

Le "résistant" Zaïd ou Ahmed

Mis à jour : samedi 15 septembre 2012 11:51
C’est dans le ksar de Tamttatouchte que Zaïd ou Ahmed naquit au début du siècle. Ce redoutable coupeur de route fit régner l’insécurité dans toute la région de 1934 à 1936. Alors que l’Atlas était pacifié et que toutes les tribus avaient accepté la souveraineté du Sultan, il assassina le 1er juin 1935, dans une embuscade, le lieutenant Fromentin du bureau des A.I. de Tassent alors qu’il se rendait, pour le service, à Imilchil et traversait le plateau des Lacs à bord de son véhicule personnel. La tactique employée par le bandit était la même que celle de l’année précédente lorsque le lieutenant Phelippon, adjoint au bureau d’Assoul, fut assassiné le 26 juin 1934. Quelques pierres sur la piste, la voiture s’arrête, l’officier descend pour dégager l’obstacle, une salve, l’officier est abattu et sa voiture incendiée après avoir été pillée. A son actif, il faut ajouter l’assassinat d’un sous-officier, le sergent-chef Tristani, et d’une douzaine de légionnaires et une vingtaine de mokhaznis et de goumiers, tous soldats réguliers du Makhzen. Actions de banditisme, car il n’a jamais participé à un combat, qui valurent à Zaïd ou Ahmed, après l’indépendance, le titre de héros national pour “résistance à l’occupant”. Une insulte faite aux vrais résistants marocains comme Ou Skounti et Asso ou Baslam, Amghar Oufellah des Aït Atta, qui tint tête pendant des mois aux troupes makhzen dans le jebel Sagho, et bien d’autres. Zaïd ou Ahmed fut abattu dans le ksar de Tadafalt, dans le bas Todgha, le 6 mars 1936.
Un rôle déterminant fut joué dans cette affaire par le capitaine Henry qui eut la lumineuse idée d’utiliser ses talents de dessinateur en traçant sur un assez grand panneau le portrait-robot du bandit, tel qu’il découlait des renseignements dont il disposait et qu’il affinait inlassablement au fil des données recueillies. Le portrait ainsi réalisé fut placé bien en vue devant le Bureau du Capitaine. C’est ainsi que le jour vint où Zaïd Ou Ahmed fut identifié par un informateur. Dès lors, les choses se précipitèrent; le ksar-refuge du bandit et de ses complices fut discrètement cerné durant une nuit; sommé de se rendre, Zaïd et ses hommes répondirent en ouvrant le feu. Les forces de l’ordre ripostèrent et tous les forbans furent tués.
Une pyramide de pierres grossièrement taillées, surmontée d’une croix, fut installée sur la piste entre Assoul et le Tagountsa; elle portait la dédicace suivante: “A la mémoire du lieutenant Roger Phelippon, mort pour la France, le 26 juin 1934”.
Articles extraits du journal La Vigie
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Liste des attaques menées par Zaïd ou Ahmed «et sa bande» contre l’armée française et ses supplétifs dans la région de Tinerhir ainsi qu’à Assoul, d’après des articles de presse publiés dans le quotidien La Vigie marocaine en 1936 par Raymond Lauriac. En fait, à cette liste, il manque l'assassinat du lieutenant Fromentin.

11 juin 1934 : Plusieurs légionnaires (nombre indéterminé) tués dans une attaque menée contre un camion de l’armée française sur la piste de Tizgui.

26 juin 1934 : Le lieutenant Roger Phellipon tué à Assoul.

En 1934 aussi (jour non indiqué), Zaïd et «sa bande» attaquent une corvée à Talanaït Moulay Ali, sans faire de victimes.

Juillet 1934 : Attaque du campement d’un détachement envoyé en reconnaissance au col de Timesraï, à 10 km au nord de Tinerhir, tuant un mokhazni.

Décembre 1934 : Attaque « en plein après-midi » de la garnison du poste de Ouaoukouden. Un militaire tué et deux autres blessés.

27 janvier 1935 : Assassinat du sergent chef Cristani à la sortie des gorges de Tinerhir.

1er juin 1935. : Assassinat dans une embuscade du lieutenant Fromentin sur le plateau des lacs.

17 août 1935 : Zaïd et deux de ses complices attaquent et séquestrent trois civils à Timadrouine. Ils les dépouillent de leurs biens avant de les libérer.

22 août 1935 : Assassinat du cheikh M’Bark Ou Bouâza, des Aït Ouritane, et un de ses amis, à l’entrée des gorges de n'Tizgui.

Fin décembre 1935 : Attaque d'une cantine à Tinerhir, tuant trois légionnaires et blessant trois mokhaznis et un client israélite.

Zaïd ou Ahmed est tué le 5 mars 1936 à Tadafalt.


Trois articles furent publiés en mars 1936 après la mort de Zaïd ou Ahmed par le quotidien La Vigie marocaine. La série a été intitulée : “Zaïd, roi des djicheurs”.

Six nouveaux coups de main des « hors-la-loi » du Todgha… qui malgré toutes les recherches restent insaisissables.
Les trois attaques à main armée auxquelles Zaïd Ou Ahmed et ses complices s’étaient livrés à environ un mois d’intervalle, avaient suscité une émotion assez vive dans la région de Todhra. Cependant, de tels faits n’étaient point très surprenants, car, en réalité, Tinerhir, qui est au centre de la vallée, n’était occupée que depuis le 18 février 1933 et nous n’assurions donc l’ordre que depuis un an dans ces parages difficiles, bordés au nord par les sommets très escarpés du Grand Atlas et au Sud par le relief chaotique du Djebel Sagho. Or, ces deux massifs offraient des ressources idéales pour les embuscades.
D’autre part, nos troupes avaient de multiples taches à assumer, car, tout en surveillant les ksour pour les protéger contre les actes de banditisme, elles n’en devaient pas moins assurer leur tâche de pacification dans les régions voisines. Ainsi, tandis que se déroulaient les événements relatés dans ces articles, les troupes de Tinerhir participaient à une actions destinée à couvrir le groupe mobile marchant sur l’oasis de Tazzarine, tout en luttant dans le haut Todgha contre un groupe de dissidents établis au col de Timezraï, au nord de Tinerhir. Par ailleurs, le gros de nos forces s’employait à réduire la dissidence du djebel Sagho dirigée par Hadj Hasso Ou Ba Sellam. Pour faire face à ces tâches multiples, nos forces devaient se livrer à de continuels déplacements impliquant de nombreuses difficultés de ravitaillement et comportant des dangers d’attaque de convois.

Une embuscade pour rien. Pourtant, il devenait nécessaire d’infliger une sévère punition à Zaïd et à ses complices et de mettre un terme à leurs exploits. A cet effet, un groupe de la fezza de Tinerhir leur tendit une embuscade nocturne à Talaïnt Moulay Ali. Ayant appris que les bandits se trouvaient dans les parages, on simula une corvée débonnaire qui était en réalité un groupe d’askris fortement armés. Comme on l’avait prévu, Zaïd et sa bande attaquèrent la corvée, mais ce fut le tir des askris qui leur répondit. Malheureusement, dans la nuit, le tir fut mal ajusté et les trois malandrins, poursuivis par les askris, parvinrent à s’enfuir à la faveur des ténèbres. Mais, ils durent avoir chaud, car, dans leur fuite précipitée, ils laissèrent tomber la montre-bracelet volée sur la dépouille mortelle du lieutenant Phellippon, tué à Assoul, le 26 juin 1934, et le bidon d’un des légionnaires tués le 11 juin dans l’attaque de l’araba sur la piste de N’Tisgui.
Un mois plus tard, nouvelle attaque sur le campement d’un détachement envoyé en reconnaissance dans le col du Timesraï, à 10 kilomètres au nord de Tinerhir, au delà des gorges. Comme dans la plupart des coups de main précédents, les bandits ont choisi la tombée de la nuit pour perpétrer leur coup. Et, à la faveur de l’obscurité, ils parviennent encore une fois à échapper à la poursuite, non sans avoir abattu l’un de nos partisans et blessé deux chevaux.
Dans les premiers jours de décembre 1934, dans les mêmes parages, des coups de feu sont tirés sur la garnison de la tour de garde d’Ouaoukouden, non loin d’une source située dans un ravin très escarpé. Cette fois, l’attaque a lieu en plein après-midi et on donna immédiatement l’alerte. Des patrouilles sont détachées vers le lieu où l’attaque s’est produite et elles trouvent un askri tué et deux de ses camarades blessés, baignant dans leur sang. L’emplacement d’où les bandits avaient tiré était si escarpé qu'ils eurent le temps de gagner leur repaire avant que les patrouilles aient escaladé les rochers.

Un groupe extrêmement mobile. Voici déjà sept mois que Zaïd et ses hommes tiennent la campagne, opérant parfois à deux, à trois ou à quatre personnages. Lesquels ne sont pas toujours les mêmes. Certains lui indiquent les coups à entreprendre, y participent avec lui, puis regagnent leurs ksar en attendant que l’effervescence s’apaise, tandis que Zaïd quitte l’endroit et va poursuivre ailleurs ses exploits, avec beaucoup d’autres complices. La crainte que les bandits inspiraient aux gens faisait taire les langues et leur grande mobilité rendait les mesures de défense inefficaces.
C’est ainsi que, le 27 janvier 1935, le sergent chef Cristanti qui, accompagné de deux hommes précédait le détachement qu’il commandait, avait à peine parcouru quelque centaines de mètres, lorsqu’à la sortie des gorges il fut foudroyé d’un coup de fusil. Le détachement, le premier moment de surprise passé, se lança à la poursuite des bandits, mais ceux-ci réussirent encore une fois à échapper en se dissimulant dans les rochers.
Quelques mois plus tard, le 17 août 1935, Zaïd et deux de ses hommes de main attaquèrent trois indigènes qui revenaient avec les bourricots de Timatriouine. L’attaque eut lieu en fin de journée, non loin de la tour de garde de l’Ourf entre Tinerhir et Foum el Kous sur la piste de Tinerhir à Boumalne. Sous la menace des fusils, les trois indigènes et leurs montures durent se rendre à l’écart de la piste et là, ils furent dépouillés de tout ce qu’ils possédaient, y compris leurs vêtements. Puis, quand la nuit fut venue, les bandits leur redirent la liberté.
Cinq jours plus tard, le cheik Embarek Ou Bouazza, des Aït Ouritane, à l’entrée des gorges Todgha, accompagné d’un de ses amis, parcourait le ravin de Dounab, lorsqu’ils tombèrent dans une embuscade qui leur fut tendue. Le cheik et son compagnon furent tués, dépouillés, et leurs armes et munitions leur furent enlevées.
Zaïd et ses complices, paraissent assurés de l’impunité la plus complète, puisque, cette fois encore, malgré toutes les recherches, on ne parvient pas à les arrêter.Mais, tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse…


Le bandit est enfin abattu dans son repaire. Mais pour venir à bout de Zaïd et de sa bande il fallut incendier le bordj où ils se terraient.

L’arrestation de Saïd ou Ahmed dit « Ou Tararout », à Assoul, fut le premier succès remporté par l’autorité contre la bande de Zaïd ou Ahmed, depuis près de vingt mois que les coupeurs de route mettaient en coupe réglée toute la région de Todgha. On ne tenait pas encore le principal coupable, mais un de ses principaux lieutenants et en procédant avec habilité, les autorités avaient la conviction qu’elles ne tarderaient pas à avoir le dernier mot dans cette sinistre affaire qui n’avait que trop duré.
C’est bien ainsi d’ailleurs que les choses se passèrent. Habilement cuisiné
Saïd Ou Tararout désigna le ksar des Aït Chaïb comme étant celui où il avait séjourné en compagnie de Zaïd ou Ahmed. Il désigna ensuite un à un tous les complices du bandit répartis un peu partout dans les ksour de la région du Todhra et jusque dans le djebel Sagho. C’était là autant d’amis sûrs qui l’aidaient dans sa sinistre tâche et lui donnaient asile lorsqu’il était menacé par ses poursuivants. Enfin, ils étaient autant d’indicateurs pour le renseigner sur les coups de main à entreprendre.

Une indication précieuse : On apprit encore que Zaïd ou Ahmed et son principal lieutenant Moha Ou Hammou avaient l’intention de passer le prochain Aïd el Kébir chez un de leurs amis à Tadafalt. L’indication était précieuse, mais il était un peu délicat de mobiliser tous nos partisans un jour de fête comme l’Aïd el Kébir. Aussi fut-il décidé qu’on attendrait le lendemain pour tenter la prise des deux chenapans. Mais à la suite des interrogatoires que l’on a fit subir aux diverses personnes ayant approché le chef de la bande, on apprit que Zaïd devrait être ce jour là à Tadafalt N’Illelchan.
On mobilisa donc tous les supplétifs de Tinerhir et le 5 mars au petit jour, le ksar fut encerclé très étroitement car le bandit devait tomber coûte que coûte entre nos mains et, cette fois, il ne fallait pas le laisser échapper.
Le chef du ksar, qui était
Hadj Hasso Ou Ba Sellam, le chef valeureux qui tint tête très héroïquement à nos troupes dans les derniers combats de la dissidence au Bou Gafer, dans le djebel Sagho, fut immédiatement convoqué. Il déclara qu’aucun homme correspondant au signalement du bandit ou de son complice principal n’habitait le ksar. Mais il indiqua qu’un personnage correspondant au signalement de l’intéressé habitait effectivement à Tadafalt. On pouvait avoir entière confiance dans les dires de Hadj Hasso Ou Ba Sellam qui, après avoir été notre adversaire le plus coriace, était aujourd’hui notre allié loyal.
Le dispositif d’attaque se déplaça donc immédiatement sur Tadafalt, situé à peu de distance de
Taghia N’Illelchan dans le bas Todgha. Un peu avant 8h du matin, Tadafalt était encerclé et cette fois on était bien sur la bonne piste. Si l’on avait eu besoin d’une preuve, la vive fusillade qui éclate dès l’investissement du ksar l’aurait fournie… Les forces supplétives auxquelles s’étaient joints deux pelotons de la légion étrangère, ayant vu le bordj d’où partaient les coups de feu, se dirigèrent vers ce point et l’attaquèrent à la grenade. Mais, les bandits qui l’occupaient entendaient défendre chèrement leur peau et ils ne cessaient de tirailler contre tous ceux qu’ils apercevaient de leur position dominante.


A l’assaut du bordj. Trois mokhaznis avaient payé de leur vie leur courageuse attitude pour atteindre le bordj et il convenait de procéder de telle sorte que l’on ne paie pas d’un prix démesuré la capture des bandits. Aussi décide-t-on d’incendier le bordj. Quelques bidons d’essence furent réunis et l’on y mit le feu. De longues flammes léchèrent les murs et bientôt après, aucun coup de feu ne parvenait du repaire, on pénétra à l’intérieur. Là, Zaïd ou Ahmed, le roi des djicheurs, gisait abattu par une balle qu’il avait reçue en plein front. Un de ses complices, nommé Moha ou Ali, tomba de la tour du bordj et se tua. Un troisième gisait mort dans une pièce et enfin, le quatrième occupant, Ou Tana, fit une suprême tentative pour prendre la fuite, mais il fut abattu d’un coup de fusil. Il était midi trente et le nettoyage du bordj et de ses abords avait duré cinq heures.
Les forces de l’ordre avaient enfin réussi à capturer toute la bande dont les membres étaient morts ou vivants. De nombreuses arrestations de complices eurent lieu car dès la mort de Zaïd, les langues commencèrent à se délier et il fut possible de connaître le nom de tous ceux qui avaient participé à ses crimes ou qui s’étaient fait leurs complices. Enfin, de nombreuses armes furent récupérées au cours de ces opérations.
Depuis la fin de Zaïd ou Ahmed et de ses complices, le calme le plus absolu ne cesse de régner sur la vallée de Todgha, une des plus riantes régions de notre beau sud marocain. Les populations des palmeraies comme celles de la montagne travaillent paisiblement et connaissent enfin une sécurité totale. Elles ne craignent plus ni les razzia des nomades sahariens, ni les coups de main des bandits, ni les convoitises des populations voisines. L’insécurité dont la forme même des ksour prouve assez qu’elle était l’état endémique de cette région a pris fin et la paix française règne, que rien ne vient désormais troubler.


La fin d’une folle aventure : Ainsi se termine la folle aventure de Zaïd ou Ahmed dont la formule de banditisme se rapprochait de celle de la bande à Bonnot, qui mit en émoi toute la France en 1912. A ceci près que ceux que l’on nomme « les bandits en auto » étaient motorisés et opéraient dans les villes, tandis que Zaïd et les siens se déplaçaient à pied et opéraient dans les palmeraies ou en montagne. Les uns comme les autres étaient des « hors-la-loi» ayant déclaré une guerre sans merci à la société et à ses défenseurs pour vivre dans un individualisme exacerbé dont les caractéristiques étaient de vivre sur le dos d’autrui, sans travailler et avec un mépris absolu de la vie humaine. De telles révoltes contre la société sont vouées à l’échec rapide. Et la fin de la bande à Bonnot comme celle de Zaïd et de ses complices en furent l’éclatante démonstration.

Raymond Lauriac



Aïcha Heddou, le témoin de l’ultime combat de Zaid Ouhmad

Source : d’après une enquête de Zaid Ouchna - http://tinghir.ma

Aïcha Heddou était présente lors de la mort de Zaid Ouhmad dans la maison des Ayet Ouhessou à Tadafalt.
Aïcha Heddou était la femme de Mouha Ouhemmou des Ayet Oumesri. Elle est née à Tana et est issue du groupe des Ayet Moghrad, fraction des Ayet Mesri. Elle est la sœur de Addi Heddou, l’homme avec qui Zaid Ouhmad a eu des altercations qui ont conduit à sa dénonciation.
Comme toutes les femmes Timazighines de cette contrée, elle a été élevée conformément aux valeurs régies; c’est-à-dire la décence et le sens de l’honneur. Toutes les femmes mariées Ist Moghrad ont une coiffure particulière qui les distinguait nettement : ikherban. Elles entrelacent leurs cheveux davantage sur leurs oreilles et forment avec chacune des deux paillets une sorte de macaron. Puis, elles enserrent ces deux boutonnières dans leurs foulards en général de couleurs rouge et jaune. Cette coiffure ne se rencontre que dans ce groupe social. Les Ist Moghrad ont toutes sur le visage un tatouage bien composé d’une double ligne pointillée qui va du milieu de la lèvre inférieur à la pointe du menton. On l’appelle tagezzayet. Par-dessus leurs vêtements, généralement colorée, les femmes portent une sorte de dalmatique dit aäban, fait d’une pièce rectangulaire de dentelle ou d’étoffe fine fantaisie, fixée au niveau des deux épaules par des fibules en argent : tiseghwnas. Elles se drapent d’une étoffe de laine sillonnée des lignes rouges, blanches et noirs, ces couleurs symbolisent le groupe des Ayet Moghrad, et dit : abizar. Elles ne se voilent jamais, elles sont coquettes et portent des fibules en argent. Elles portent des bracelets et se parent de tous leurs colliers lors des fêtes; des mariages principalement. La division du travail ici se fait par le sexe, les taches de la femme sont réparties à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison; quant à faire la guerre, sa charge revient exclusivement à l’homme.
Aïcha Heddou, comme toutes les femmes du bourg, est issue de cette atmosphère culturelle qui l’identifie. Elle était volontaire, pleine d’énergie et fougueuse. Elle avait du courage à en vendre aux hommes. Elle a eu son fils Bassou à la prison de Tinerhir et a pu survivre, finalement, jusqu’à la fin des années quatre vingt dix. C’est à la ville de Rich ou j’ai pu la joindre avec ses fils Bassou et Heddou. Elle a eu ce dernier de son deuxième mariage. Son témoignage a été recueillie par voie de question-réponse.

Témoignage recueilli par Zaid Ouchna
Je suis de la fraction des Ayet Mesri du groupe des Ayet Moghrad.
Mon défunt mari (Mouha Ouhemmou) m’avait donné rendez-vous à une source d’eau qu’on appelle Taghbalout n Ayet Atta. Elle est sur une colline non loin de Tana. Mouha Ouhemmou et Zaid Ouhmad m’y attendaient. Zaid Ouhmad était le camarade de mon époux et il mangeait souvent à la maison chez nous. Bassou, mon fils, était dans mon ventre et j’étais relativement jeune. Ils avaient prédit que nous allions partir à Tinerhir chez les Ayet Ouhessou. Mouha Ouhemmou voulait que je reste là-bas jusqu’à ce que je mette mon bébé au monde à fin d’éviter les enquêtes et les tortures des militaires.
Nous ne sommes pas partis tout de suite, nous avons passé tout un temps à la montagne, particulièrement au mont Baddou. Nous avions de la farine, des musettes de poudre pour les armes, des gourdes pleines d’eau et le matériel pour faire du thé. Nous avions trouvé refuge près d’un point d’eau. il y avait tout ce qu’il nous fallait car Zaid Ouhmad avait des réserves de toutes sortes sur les lieux. Moi, je restais sur place pour préparer le manger; pendant ce temps, les hommes faisaient des sorties nocturnes dans l'intention d’accomplir leurs affaires dans les environs.
Un jour, alors que j’étais derrière le feu pour faire le pain, quand soudain une patrouille de goumiers en file indienne est venue dans ma direction. Ils avaient des armes accrochées par des bretelles sur les épaules. Dés qu’ils m’ont bien distingués, ils ont tous, mis leurs armes sur la largeur de leurs épaules à la manière que fait du bâton un berger. Ils m’ont salué à la manière locale sans plus; puis à quelques mètres de moi, ils remirent leurs fusils à la position initiale. Je pense qu’ils ne m’ont pas reconnue. J’ai mis au courant Mouha Ouhemmou et Zaid Ouhmad, qui m’ont répondu qu’ils avaient tout vu .
Après ça, nous avons quitté les lieux et fait un détour de quelques jours à Igwdman. C’est pendant cette période qu’ils ont attaqué les militaires à la route de Tinjdad. Après nous sommes repartis à Tinerhir où nous avons passé la première journée dans la maison de Ouzayd à Ayet Châib et à la nuit tombée nous nous sommes rendus à Tadafalt à la demeure des Ayet Ouhessou. C’était Houssa Dani, le frère de Hka Dani la femme de Ouzayd, qui nous a guidé jusqu’à l’endroit. Ouzaid lui, était à ce moment là en prison. C’est ce qu’on nous a dit, mais en réalité, comme il n’avait pas voulu dénoncer Zaid Ouhmad, les militaires l’ont assassiné dans sa cellule à l’instant même ou nous étions chez lui.
J’ai trouvé auprès de cette famille Ayet Ouhessou à Tadafalt mon deuxième foyer. Je respirais mieux aux cotés de la mère. Elle était aveugle et nous nous sommes aidés mutuellement. Leur demeure était en construction; il n’y avait que deux chambres seulement qui avaient un toit et une seule porte; celle de l’entrée. Les hauts palmiers de l’extérieur surplombaient carrément l’intérieur de la maison. Les hommes ont fait des sorties ensembles pour attaquer les militaires mais je ne savais pas tout. Je savais par contre que Zaid Ouhmad faisait des allés et retours à Tamtettoucht. J’étais au courant que les habitants d’Aghbalou les avaient priés tous les quatre de ne plus venir chez eux car ils avaient perdu beaucoup d’hommes à cause de Zaid Ouhmad. J’ai été présente lors de la fusillade qui a causé leur mort et j’ai été témoin.
Comment as-tu su que les militaires encerclaient la maison ou vous étiez ?
- Le matin nous entendions appelé : Mouha Ouâli. Mouha Ouâli. La mère répondit qu’il n’était pas là.
D’un coup de brodequin, ils ont enfoncé la porte et deux hommes du genre européens se sont pointés à l’entrée. Zaid Ouhmad, du haut de l’escalier, les a tué tous les deux sur-le-champ et leurs cadavres gisaient sur le sol. C’était des hommes blancs et rouges, très grands avec de larges épaules. Aussitôt, la fusillade a commencé, les coups partaient de partout et les impacts des balles résonnaient sur les murs en pisé.
Ils y avaient beaucoup de gens qui tiraient de l’extérieur car les coups venaient de tous les cotés de la maison et même des francs tireurs étaient sur les palmiers géants qui surplombaient les lieux, c’est de là qu’est venu le coup fatal qui a tué Zaid Ouhmad. Il est tombé du haut de l’escalier pour arriver en bas à la première marche; c’est à dire juste devant mes pieds. Je l’ai enroulé dans l’Abizar alors que je savais qu’il était mort.
Les autres, Mouha Ouâli et Mouha Ouhemmou se sont jetés hors de la maison pour essayer de gagner le désert. Bassou était blessé au visage; même à bout de force il voulait encore tuer au moins un militaire. Le sang masquait carrément sa vue mais il a pris quand même la garde à l’entrée. Quand les militaires dehors ont fini par tuer les deux Mouha, ils sont revenus pour inspecter la maison. L’un d’eux est entré avant les autres, et sans attendre Bassou lui a tiré dessus et l’a tué. Addi Outtaleb était là et criait aux autres: “Il y a encore quelqu’un qui tire derrière la porte."
La mère des Ayet Ouhessou était tout le temps collé sur moi et pleurait les martyrs. Par la suite, je ne sais pas ce qu’ils ont fait des cadavres de Zaid Ouhmad et des autres. La mère et moi, nous avons été incarcérés à la prison de Tinerhir. Quelques jours plus tard, j’ai été transférée dans un hôpital militaire pour mon accouchement. J’avais supplié et j’avais imploré pour que la vieille m’accompagne, même pour la mort s’ils le voulaient. Elle était aveugle et n’avait plus personne d’autre que moi; mais les militaires n’ont rien voulu savoir. C’étaient des monstres sans aucun scrupule.
Trois jours après mon enfantement, ils m’ont transféré à la prison d’Assoul. Ils m’ont mise dans un véhicule militaire jusqu’à Ayet Hani ou j’ai passé la nuit à la prison. Le lendemain matin, un goumier m’a emmené sur le dos du mulet pour le pénitencier d’Assoul. Le pire c’est que j’avais un bébé affamé qui pleurait tout le temps car ils ne m’ont rien donné à manger depuis la chambre de l’hôpital.
Le capitaine Rey, dit “Henry”, m’avait affirmé qu’il n’avait rien à faire avec des femmes dans sa prison, et dès que les choses seraient calmées, il me libérerait. Mon bébé et moi avons passé plus de cinq mois à la prison. Il y avait d’autres femmes à la prison, même avant que je vienne, la femme de Mouha Ourehhou. Elle aussi, son mari avait été tué à cause de Zaid Ouhmad. Il y avait aussi Said Ouhmad Outararout. C’était lui d’ailleurs qui a nommé mon fils Bassou.
Après ma libération, j’ai retrouvé ma maison à Tana et aussi ma vache chez les habitants. Beaucoup parmi eux se sont comportés en Amazigh et venaient à mon secours par l’intermédiaire du vrai Amghar Ousekkou. Il y avait d’autres lâches qui me confondaient avec le diable. J’ai éprouvé ainsi les plus préjudiciables phases de toute ma vie. Le pays s’est vu renversé la tête après la guerre du Baddou. Les traîtres se sont travestis en combattants et les angéliques sont devenues des persona non grata. Personne dans ce pays ne m’a jamais demandé mon témoignage avant ce jour (le 8 août 1996) et personne n’a voulu rien savoir sur ce qui s’est réellement passé. Pourtant, depuis 1936 j’étais l’unique personne présente des événements de Tadafalt. Le peuple a plutôt opté pour une seule manne : le mensonge.
Commentaire sur le site :
Franchement c'est choquant ce qui s'est passé. je pense que la dame s'est partiellement trompé sur quelques informations à titre d'exemple sur le nom Ayt Ouhessou (c'est plutôt ayt hassi) et je peux dire aussi que le corps de Zaid Ouhmad a été brûlé dans le paille dans une chambre chez ayt hassi. Et sans oublié que toute ma famille a été torturée après la mort de Zaid Ouhmad, question d'avoir trahi le Makhzen. J'ai eu la version de mon grand père qui a été ami de Zaid Ouhmad et qui est mort en 2010 à l'âge de 105 ans, Allah irhmo.

Si ce récit d'une témoin est exact, il ne concorde pas du tout avec ce que l'on savait. Cette personne ne fait aucune mention que la maison ait été incendiée pour l'attaque. J. Gandini

Petite histoire de la fille d'un complice de Zaïd ou Ahmed

La justice passe – la confiance demeure
Extrait des souvenirs du général François de Furst, capitaine des A.I. à l'époque. Source : La Koumia

En 1935, le capitaine d'Arcimoles (futur général) était chef de bureau des A.I. d'Imilchil sur l'assif Melloul. Le nommé Zaïd ou Ahmed, après s'être querellé avec un chef de chantier, est parti en dissidence. Il a volé des armes et avec des complices, il a tué deux officiers et des légionnaires du 1er Régiment Etranger de cavalerie dans le poste de Tinerhir. C'est un mauvais exemple qui inquiète.
D'Arcimoles et Henry, chef d'un bureau voisin au Sud de l'assif, s'efforcent de le prendre. Il est un jour dénoncé par une vieille femme, assiégé dans une kasbah et tué. Entre autres, deux complices, un homme et une femme des Aït Haddidou sont morts au cours des opérations. Leur argent et leurs effets ont été ramassés et ramenés au bureau.

Ils avaient une fille, une jeune fille à marier de 12-13 ans. D'Arcimoles la fait venir et lui remet les biens de ses parents. « C'est toi le chrétien qui a fait mourir mon père et ma mère, dit-elle en tamazirth ? Je ne sais qui avait tort ou raison. Dieu jugera ». Et elle sort.
Aussitôt on frappe à la porte et la petite entre à nouveau :
« Sid el Captan (Monsieur le capitaine), je voudrai que tu me gardes tout ça (ce qui lui as été remis précédemment).
- Mais, dit d'Arcimoles, tu viens de me dire que nous étions responsable de la mort de tes parents. Maintenant tu veux me confier ton bien ?
- Ce n'est pas la même chose ! Pour la mort de mes parents, j'ai dit que Dieu jugerait entre toi et eux. Mais cet argent, ces bijoux, si je les emporte, il est sûr que mes oncles me les prendront, tandis que, si tu veux bien me les garder, je suis sûre de les retrouver quand j'en aurai besoin...
»

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