1929-1934

La 5ème Escadrille dans le Todgha

Mis à jour : vendredi 27 novembre 2015 07:46

1931. La mort du sergent Levet et du lieutenant Pierre de la Mure
Paluel Marmont. D’après Croix sur le sable. Nouvelle Société d'Edition 1932
... Mardi prochain, nous partons pour passer un mois ou deux dans le bled, encore plus loin, à 100 kilomètres d’ici, pour les opérations qui auront lieu du 16 novembre au 15 décembre. J’en suis enchanté. Vendredi nous avons fait un bombardement sur un douar dissident dont les habitants avaient fait un coup de main sur les tirailleurs en train de tracer une piste...
Enfin samedi et dimanche j’ai fait l’accompagnement d’une colonne qui allait occuper un piton en dissidence, et j’ai fait sept heures de vol. Le soir, j’ai bien dormi...
La 5ème Escadrille à Bou Malem
(Bou Malne)
13 novembre 1931. Nous sommes dans le bled... On vole assez souvent, et depuis un mois, à ce point de vue-là, j’ai battu tous les records. Ici, nous allons avoir à faire l’accompagnement de la colonne qui va occuper le Todgha. Je suis assuré maintenant de rester dans l’aviation, et en suis enchanté. Au revoir ma petite maman, je vous embrasse de tout cœur.
Ce devait être la dernière lettre de Pierre de la Mure.
Le 20 novembre, en effet, l’ordre arrive à la 5ème escadrille d’exécuter un bombardement de représailles sur les dissidents de la région de Tamtatoucht.
Aussitôt, chacun de revendiquer l’honneur de participer. Le lieutenant Pierre de Lamure est sur les rangs mais il a déjà effectué un bombardement quelques jours plus tôt et comme c’est le droit de tous d’être au danger, il laisse, cette fois, la place à ses camarades. Pour le dédommager, son chef d’escadrille lui donne en compensation à effectuer la mission de reconnaissance de l’après-midi.
Mais le samedi 21, les résultats du bombardement de la matinée ne satisfont pas pleinement le commandement. Il est décidé que l’action sera poursuivie. Et la mission de reconnaissance de Pierre de la Mure est doublée d’un bombardement à exécuter.
Prenant place, à 14h.10, sur un Potez que pilote le sergent Levet, chargés de 24 bombes de 10 kilos, ils s’envolent du terrain d’aviation de Bou Malem. L’avion est en liaison constante par sans-fil avec le poste radio-aviation de la base de départ. Sans cesse, les ondes apportent le signal invisible qui confirme la présence de l’avion en vol. A bord Pierre de la Mure garde la main sur le manipulateur; à terre, l’écouteur vibre sous le chant aigre des signaux brefs.
A 14h.27, l’avion annonce qu’il survole Tinerhir et qu’il poursuit sa mission sur Tamtatoucht, au nord du Todgha et puis l’écouteur cesse de vibrer à Bou Malem.
Dans le poste radio, l’homme d’écoute exige le silence autour de lui. Rien ! Il affermit ses écouteurs sur ses oreilles avec les paumes de ses mains. Chacun écoute du regard, attend, espère. Rien ! Toujours Rien !
Sans doute le poste de radio de l’avion est-il en dérangement. Le silence se prolonge un quart d’heure, vingt minutes, une demi-heure... A 15 heures, les postes de l’avant, alertés par téléphone, répondent qu’ils ont perdu l’avion de vue depuis le moment où il survolait le groupe mobile vers 14h.30.
Alors, on décide d’attendre encore une heure avant de s’inquiéter car ce serait seulement le moment où l’équipage ayant terminé sa mission doit rejoindre le terrain. Mais à 16 heures, ni à 17, ni à 18, Levet et La Mure ne sont pas rentrés.
On sait maintenant à quoi s’en tenir. L’officier des A.I. dépêche des informateurs sur le terrain avec mission de rapporter des nouvelles. Dès l’aube du lendemain deux avions s’envolent pour une reconnaissance. Le jebel Todgha, la cuvette de Tamtatoucht sont fouillés en vain. A leur retour deux autres avions prennent la relève mais les recherches sont vaines.
Alertée à son tour l’aviation des confins algero-marocains opérant dans la zone voisine entreprend des recherches avec le même résultat.
Le 23, des informateurs confirme que l’avion n’a pas été aperçu ni au Sud de Tinerhir ni aux abords du jebel Sagho, preuve que l’avion n’est pas revenu de sa zone de mission.
Vers la fin de l’après-midi, enfin, des indigènes venant de l’Oussikis déclare qu’un avion aurait atterri dans l’Amtrouss, massif montagneux qui domine Tamtatoucht vers le Nord, et que l’équipage, attaqué par les insoumis, aurait été tué en se défendant.
Plus tard, après enquête, on apprendra que c’est bien là qu’ils ont atterri. Volant très bas, toujours plus bas, afin de mieux chasser de leur terriers les dissidents embusqués dans les creux de rochers, il ont essuyé un déluge de feu, tirés presque à bout portant. Des balles ont traversé leurs plans, une autre a tranché net un tendeur, puis il y a eu deux chocs : le moteur, atteint dans quelqu’une de ses parties vitales, s’est arrêté; et le pilote, après un sursaut, a vacillé sur son siège...
Cramponné aux commandes, touché mais conscient de la situation, certain que son avion est blessé à mort, le sergent pilote tente de poser l’appareil, hélice morte, mais ils sont bloqués dans une sorte de corridor montagneux au fond duquel s’allonge le gros douar de Tamtatoucht. Levet choisit alors de s’en aller toucher le sol au fond du couloir, vers l’Amtrouss, à six kilomètres au nord.
Mais, à peine l’appareil immobilisé, des dissidents se précipitent en tirant. Tout de suite de nouveau atteint Levet s’effondre sur ses commandes. Pierre de la Mure est alors seul avec la mitrailleuse de l’avion. Aussitôt en batterie, il commence à tirer sur une meute furieuse se ruant à la curée. Des hommes tombes, mais les deux bandes de cartouches ne sont pas suffisantes pour les arrêter. Il a juste alors le temps de faire feu avec sa carabine avant de s’écrouler sous une grêle de balles.

Todgha_lettre


Le capitaine d'aviation Roy
Au cours des dernières opérations, un certain nombre de citations ont été décernées dont les motifs ont été publiés au Bulletin officiel du Protectorat. Le bulletin du Comité de l'Afrique Française et du Maroc reproduit en novembre 1931 celle de ce chef d'escadrille.
"Roy. - Capitaine, chef d'escadrille de premier ordre, pilote hors de pair.
Observateur remarquable et possédant sur ses équipages et sur son personnel un très grand ascendant, a su en toutes circonstances les entraîner par son exemple et en obtenir le rendement maximum.
A la tête de son unité a exécuté avec maîtrise la mission photographique 1930-1931, effectuant lui-même de nombreuses missions aériennes lointaines sur les régions dissidentes du Grand Atlas, du Jebel Sagho et du Draa.
A pris une part brillante aux bombardements effectués en 1930 dans les régions du Todgha et du Draa, et vient de diriger avec le plus grand succès la coopération de l'aviation avec les troupes, lors de l'occupation du Bou Malem et de la Reconnaissance sur le Foum Zguid.
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