1934. Anti-Atlas

1934. Anti-Atlas

Mis à jour : mercredi 15 août 2012 14:03
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Aït Ouabelli, fanion du 1er R.E.C.



Les AMC, Autos Mitrailleuses de Cavalerie, et la fin de la pacification

Le 20 février 1934, le général Huré, commandant supérieur des troupes du Maroc, déclenche l'opération A. A. (pour Anti-Atlas), une vaste et peu glorieuse offensive qui vit la fin de la dissidence et la paix définitive dans le Sud marocain.
La CMA du 4 fait partie de la branche Est de la tenaille, sous les ordres du général Giraud, commandant des Confins Algéro-marocains créés provisoirement en février 1933.
L'aile Sud de cette branche de l'Est, est confiée au colonel Trinquet (qui donnera son nom au poste de Bir Moghrein, en Mauritanie). Celui-ci, vu la configuration du terrain dans la zone, dispose de nombreuses unités motorisées et blindées, groupées sous les ordres du colonel Burnol (sous-groupement D); on y trouve la 2ème compagnie auto du 1er Etranger (capitaine Robitaille); la CMA du 4, deux escadrons blindés du 1er REC (5ème et 6ème) et les batteries portées des 2ème et 4ème Etranger.
Pour mémoire, le groupement T (comme Trinquet) comprend aussi les 3ème et 4ème escadrons à cheval du 1e REC et pour ses communications les compagnies de sapeurs-pionniers des 2ème et 4ème Etranger, pour ne citer que les unités de Légion.

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AMC


Journal de Marche


Le 20 février l'opération commence à l'Est avec la prise de Tizgui et Harratin, à 40 km au Sud-Ouest d'Akka.
Le 21 tombe Ait Ouabelli et le 25, la CMA du 4 entre dans Icht puis dans Foum el Hasn, son futur fief, en soutien du sous-groupement saharien qui, lui vient du Sud-Est (compagnies sahariennes du Guir et du Ziz).
Le 26, la CMA du 4 se trouve à Kasbah d'Ait Herbil, à la sortie Sud de l'oued Tamanart du massif de l'Anti-Atlas (massif dans lequel vont "pousser" les éléments à cheval).
Le 28, la compagnie, avec sa sœur du 1er Etranger et le 5ème escadron du 1er REC, sont chargés, en groupement léger, de "pousser" rapidement entre les jebels Bani et Anti-Atlas sur Tarjicht et Tagmout (qui sont atteints le soir même) : là, deux importantes tribus du Sud font leur soumission.
Le 2 mars, le capitaine Gaultier occupe Tinzert et atteint Fask, le 5. Le peloton du lieutenant Couroux accroche à Taourirt (à 10 km au Sud-Ouest de Fask), sans doute le dernier combat de toute la pacification...
Puis la compagnie va à Goulimine pour se reposer et... défiler.
A la mi-mars on la retrouve à Akka.

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Reportage dans L'Illustration
du 14 avril 1934
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Un écrivain-journaliste avec la troupe

Documents photos extraits de livre d'Henry Clérisse : Le Sous mystérieux. La dernière étape de la pacification du Maroc. Edition Mage 1934
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Le résident et les personnalités civiles et militaires à Bou Izakarn
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On distingue le Glaoui parmi les personnalités

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Note d'Henry Clérisse sur la dernière période de la pacification de l’Anti Atlas
Après avoir rendu compte de la magnifique progression, réalisée en pays ennemi, par les “Unités Motorisées”, je présente, avec l’impartialité la plus grande et l’indépendance la plus absolue, le matériel mis à la disposition de ces formations de création relativement récente... et les critiques succèdent aux louanges.
Les véhicules ont été employés dans des conditions nouvelles, en des terrains difficiles, hérissés d’obstacles naturels particulièrement pénibles à franchir : bancs de rochers, de sables inconsistants, de galets aux tranchantes aspérités, montées abruptes, descentes à pic, entonnoirs, etc...
Il est donc normal que les meilleurs voitures aient eu à enregistrer quelques accidents mécaniques.
Cependant, les proportions dans lesquelles les véhicules des différentes marques ont eu recours au stock de pièces de rechange nous permettent d’apprécier la valeur effective du matériel engagé.
Certains fournisseurs ont été et sont encore “imposés” à l’Armée. Il faut que ces pratiques cessent définitivement. Il ne faut plus que les défaillances d’un matériel de qualité plus ou moins bonne, de fabrication plus ou moins soignée, soient compensées par les efforts, surhumains et inhumains, que doit fournir un personnel admirable, toujours soucieux de donner des preuves nouvelles de sa haute valeur et de justifier la confiance que les Chefs ont mise en lui.
Je ne pouvais pas ne pas citer les noms des firmes qui fabriquèrent les modèles employés par les “Unités Motorisées”. J’ai soumis les résultats de mon enquête personnelle, effectuée sur place, auprès des “exécutants”, officiers et soldats, aux autorités militaires les plus compétentes. Mon texte m’a été rendu sans avoir été l’objet de la moindre rectification.
En publiant, aujourd’hui “in extenso” le rapport que j’avais ainsi établi, je pense être utile à mon pays.

La Légion et ses motorisés au Maroc

Les unités motorisées apporteront leur concours appréciable de 450 véhicules de trois types différents (Panhard-Levassor, Berliet, Laffly), ayant chacun leurs défauts et leurs qualités.
Conçus, réalisés pour être mis en service dans des conditions déterminées (Europe), les engins automobiles blindés ont cependant pleinement répondu à ce que l’on attendait d’eux. Leur action, leur rendement en un terrain extrêmement difficile, semé d’obstacles invraisemblables, sous un climat saharien, ont été des plus efficaces. Aux compagnies d’unités motorisées, il faut ajouter les véhicules blindés des capitaines commandant de compagnie, des lieutenants chefs de peloton, puis le camion hors rang de chaque compagnie (camion atelier), deux camions citernes d’essence (12 000 litres) et deux camions citernes d’eau (8 000 litres).
Montés sur tous les véhicules les pneus Veil-Picard, formé de neuf cents cellules isolées pratiquement increvables et gonflés à 7,5 kg (pression pour climat européen), se sont admirablement comportés. Déchiquetés par les silex, arrachés par les sables, les “terres pourries”, ils ont tenu quand même.
Les pneus Veil-Picard assuraient aux voitures qu’ils équipaient une sécurité totale, la possibilité de toujours regagner leur base, en un mot, une supériorité incontestable d’action et de rayonnement.
Les voitures blindées Panhard-Levassor

- La voiture spéciale 165/175 (référence constructeur), issue du programme de l’automitrailleuse 20 CV et que l’armée désignait usuellement sous l’appellation de AMD Panhard TOE, était équipée d’un équipement radio, ER 26 bis 31. Le véhicule comportait une installation de TSF livrée par le Fort d’Issy les Moulineaux : antenne intégrale à mat central télescopique. Un peu plus tard les antennes seront simplifiées.
L’AMD Panhard TOE était à double conduite : marche avant et marche arrière, nécessitant la présence de deux conducteurs, le deuxième étant nommé l’inverseur. L’équipage était complété par le chef de voiture et le tireur. La visibilité n’était pas directe mais l’utilisation d’un périscope assurait à l’équipage une sécurité absolue.
La voiture de combat Panhard-Levassor était armée d’un canon de 37 et de deux fusils mitrailleurs dont un pour le tir à terre. Le canon et un des fusils mitrailleurs étaient jumelés et protégés par une tourelle rotative.
- Le camion spéciale 179 (référence constructeur) était nommé usuellement “camion blindé Panhard”.
Son équipage était composé d’un chef de voiture, d’un conducteur et d’un tireur. Ce camion blindé pouvait transporter un groupe de combat de dix hommes.
Son armement comportait deux fusils mitrailleurs dont un dépendait du groupe de combat. Le véhicule comportait quatre postes de tir : un à l’avant, un à l’arrière, et un de chaque côté.
Pendant les opérations février-mars 1934 dans l’Anti-Atlas, la compagnie automobile du 1er REI fut la seule unité où l’on trouvait conjointement, les deux versions de la Panhard.
- 2 pelotons d’AMD Panhard 165/175 TOE
L’insigne du régiment était peint dans un exagone blanc sur chaque portière.
- 14 camions blindés Panhard 179, dont deux (numérotés 0 et 1) étaient les véhicules de commandement avec TSF. Les 12 autres camions, prenant la suite numérique, transportaient les légionnaires combattant à pied : fusiliers voltigeurs et mitrailleurs. L’unité équipa le toit des camions de grillages légers.
Les camions étaient numérotés sur les côtés et sur l’arrière. Ces grands numéros blancs était utiles aux combattants pour leur permettre de retrouver du premier coup d’oeil leur voiture. L’insigne du régiment était peint dans un carré blanc sur chaque portière (soutien porté).
La voiture blindée de contact Berliet VUDB
Quatre roues motrices mais avec seulement la marche avant. Plus légère que les autres véhicules blindés, elle était d’un plus faible empâtement. Bien qu’elle fusse de conception ingénieuse, elle ne possédait pas de tourelle, et pour tirer, il fallait changer de place le fusil mitrailleur. Pour l’observation, l’équipage était obligé d’ouvrir les volets, ce qui pouvait être parfois dangereux.
Les 50 Berliet VUDB livrés aux unités du Maroc en 1931 furent toutes été utilisées en 1934 dans l’Anti-Atlas, d’où de nombreux problèmes de maintenance du fait de véhicules déjà passablement usagés.
Outres leurs insignes, les VUDB utilisés par le 1er REC et le 1er RCA, engagées sous une livrée ocre jaune clair (livrés à l’origine en vert olive), se distinguaient entre elles par la façon dont étaient repeintes leurs immatriculations.
La White-Laffly des opérations de 1934
Dénommé à tort “White”, il s’agit exactement de l’AMD Laffly 50 AM (référence constructeur).
L’automitrailleuse White d’origine (1918) était composée d’un blindage français Ségur & Lorfeuvre monté sur un châssis de camion américain 2,5 t White TBC.
En 1932-1933, sur une partie de la production, le châssis White fut remplacé par un châssis Laffly LC 2. Le véhicule ainsi transformé devint officiellement l’AMD Laffly 50 AM (moteur de 50 chevaux, châssis type automitrailleuse).
Aucun élément White ne subsista après cette transformation, mais son nom était si attaché à la silhouette familière du véhicule qu’il sera conservé par tous pendant longtemps.
Break saharien Laffly LC 2
communément appelé “camionnette”.
La mécanique de ce véhicule de transport fut la même que celle de la White-Laffly. Sur tous les véhicules employés au Sud, la carosserie était en tôle, afin d’éviter le pourrissement et l’action des termites. Peinture ocre jaune clair, bâche gris-vert.
L'équipement des unités en 1934
1er Régiment de Chasseurs d’Afrique (RCA) :
- 1er escadron (ex- 7e EAM) : 3 pelotons de 3 AMD Laffly 50 AM
- 2e escadron (ex- 17e EAM) : 3 pelotons de 3 AMD White TBC et Laffly 50 AM
- 4e escadron (ex- 27e EAM) : 3 pelotons de 5 voitures Berliet VUDB
Légion Etrangère
1er Régiment Etranger de Cavalerie (REC)
- 5e escadron : 1 peloton de 3 AMD Laffly 50 AM, 3 pelotons de 5 Berliet VUDB, 1 peloton de 5 CB Panhard 179
- 6e escadron : 1 peloton de 3 AMD Laffly 50 AM, 3 pelotons de 5 Berliet VUDB
1er Régiment Etranger d’Infanterie (REI)
- Compagnie automobile : 2 pelotons de 4 AMD Panhard 165/175 TOE
Soutien porté à 3 sections et un groupe de 2 mitr. (120 combattants) sur 14 camions blindés Panhard 179, dont 2 TSF.
4e Régiment Etranger d’Infanterie (REI)
- Compagnie montée automobile : 2 pelotons de 4 AMD Panhard 165/175 TOE
Soutien porté à 3 sections et un groupe de 2 mitr. (120 combattants) sur camions légers sahariens Laffly LC2.
Renseignements extraits de la revue Histoire de Guerre. Blindés & Matériel n°78, août-septembre 2007
www.blindés-matériel.com
Photos provenant des archives de l'auteur.


L’occupation de Tindouf

Le commandement décide alors de lancer dans la foulée une opération motorisée en vue d'occuper Tindouf. Sous les ordres du général Giraud, l'effort est fourni par Trinquet, avec un groupement allégé.
Dès le 22 mars, Gaultier pousse son peloton porté sur le Drâa.
Le 24, la compagnie est réunie à Tafagount et le 27 au Merkala, au pied de la Hammada.
En quatre jours (du 28 au 31 mars) les pionniers construisent une rampe longue de 2400 mètres avec une dénivelée de 220 m, une pente de 12%, et le 31 au soir, Tindouf est atteint sans incident.



Foum el Hasn

Il est alors question d'implanter à Foum el Hasn et à Tindouf le 5ème escadron du 1er REC; la CMA du 4 doit aller à Goulimine et sa sœur du 1er Etranger à Akka.
Mais en avril la compagnie est de nouveau à Tata avec un peloton à Akka; de là, elle participe à la    construction du poste de Foum el Hasn, avec le 29ème Goum qui y est implanté et un bataillon de Légion.
Finalement la compagnie, début mai, s'installe définitivement à Foum el Hasn, tout en détachant à Tindouf un peloton blindé et une demi peloton porté.

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La jonction avec la Mauritanie

Mais l'occupation de Tindouf ne suffit pas; il faut pacifier tout le pays et donner pour cela la main aux camarades de la Coloniale du Nord de la Mauritanie.
C'est ainsi qu'en avril le capitaine Gaultier, avec 2 VL (1) Renault et 13 camionnettes Laffly, participe à la liaison Tindouf - Bel Guerdane; le capitaine méhariste Brosset dirige les opérations.
En novembre et décembre nouvelle liaison, cette fois par Bou Garfa et Aïoun Abd el Malek, jusqu'à Bir Moghrein. La compagnie fournit 10 camionnettes Laffly et l'élément de dépannage.
Fin 1934, le commandement fait construire une piste directe Foum el Hasn - Oum el Achar (en direction de Tindouf et en remplacement de celle partant d'Akka), futur maillon de la Piste Impériale numéro 1.
Et puis c’est la vie de garnison, faite de travaux d'aménagement du poste, d'instruction, de marches et de manœuvres... et pour couper la monotonie, quelques belles reconnaissances sahariennes, toujours plus loin.
Jusqu'en 1940, la compagnie maintient un élément plus ou moins important à Tindouf. Elle perd bientôt ses automitrailleuses, trop lourdes, pour devenir une compagnie portée.
(1) Véhicules légers


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Convois pour Tindouf et Bir Moghrein
Piste Impériale n°1

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Une passe difficile pour le camion


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