Communautés juives

Le Moyen et Bas Draâ

Mis à jour : dimanche 21 juillet 2013 10:52


Persécutés par Idriss 1er dans le Maroc septentrional, les Juifs se réfugient dans les provinces du Drâa et du Sous qui sont alors indépendantes. Il est possible que l’existence, sur le versant Sud de l’Atlas, de populations hébraïsées ait incité les fugitifs à s’y fixer. Quoiqu’il en soit, le Drâa semble avoir été de bonne heure un centre important de civilisation israélite.
Dès la fin du IXe siècle, cette région dispute, avec Fès la priorité intellectuelle à la grande cité juive de Kairouan. Moïse Draoui l’ancien, Dounash, savant talmudiste de la fin du Xe siècle sont les plus brillants représentants de cette période. L’hérésie caraïte, qui se développe au XIe siècle à Fès atteint le Drâa. Le mouvement caraïte a pris naissance en Palestine, ses adeptes étaient revenus au mosaïsme pur, en réaction au judaïsme talmudique des rabbins. Le caraïsme marocain atteignit son apogée vers le XIIe siècle. Il fut finalement détruit par les talmudistes venus en nombre d’Espagne après les persécutions castillanes du XIVe et du XVe siècles.

Sous les Almohades, les Caraïtes du Drâa connaissent les persécutions. Le sultan Abd el Moumen s’acharne particulièrement contre eux mettant un terme au mouvement intellectuel et religieux des Juifs marocains. Les caraïtes échappés aux massacres se réfugient dans les jebels ou au Sahara. Sous la dynastie mérinide, les Juifs bénéficieront d’un régime plus humain, sans parvenir toutefois à reprendre l’influence dont ils avaient joui jadis. Au début du XXe siècle les mellahs du Drâa végétaient misérablement. Cependant il n’était pas rare de voir un riche notable juif jouer, grâce à sa fortune et à son astuce, un certain rôle dans la vie politique de la cité où il résidait. Ce fut le cas notamment du Cheikh des Juifs de Beni Sbih, Mouchi n’Aït Mijo, qui eut une grosse influence dans le district de Ktaoua. En général les Juifs du Drâa n’avaient pas de habiba sur une fraction ou sur une tribu des Aït Atta. Ils sacrifiaient individuellement à un notable de cette confédération. Chaque Juif connaissait ainsi son maître et lui versait directement son tribut annuel.

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Photo de 1930
. Juifs de Marrakech.


Les manuscrits juifs du Drâa


Jean Mazel.
D’après un texte paru dans : Énigmes du Maroc. Ed. Robert Laffont 1971.
Suivant la tradition des rabbins des anciennes communautés juives du Drâa, c’est, à l’époque du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor et de la déportation des Juifs à Babylone, entre 587 et 580 avant J.C., qu’un certain nombre de familles auraient réussi à échapper à la captivité et à parvenir, après de longues marches à travers le Nord de l’Afrique, dans le Sud d’une région de ce qui devint plus tard le Maroc. C’est de ce temps que daterait l’arrivée des premiers Juifs dans les palmeraies du Moyen-Drâa, ainsi que dans celles du Tafilalet. Une autre tradition attestait les arrivées d’immigrants juifs à la suite des persécutions grecques et surtout romaines. Un peuplement juif venu du Yémen semblait avoir fortement marqué les mémoires. Les dernières vagues de Juifs, fuyant la naissance de l’Islam, seraient parvenues au 1er siècle de l’Hégire.

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Couple de Tamgrout


A l’époque du Protectorat, le Français Jean Gattefossé, géologue et occultiste, eut l’occasion, au cours de ses missions dans le Sud du Maroc, de prendre connaissance dans une synagogue d’un manuscrit ancien concernant l’histoire secrète des Juifs du Drâa écrit en caractères hébraïques, mais en phonétique arabe. Par recoupement, il découvrit que ce texte n’était pas unique et qu’il provenait d’un texte de base original datant du XIIe siècle après Jésus-Christ. Au cours de ses recherches, il finit par retrouver des transcriptions françaises de deux de ces fameux manuscrits. 
L’un avait été traduit en français par Abraham Isaac Larédo et l’autre était issu du travail d’un officier français des Affaires Indigènes, le lieutenant Moulin, qui avait traduit un des exemplaires originaire de Tinzouline et qu’un rabbin du Dadès avait conservé, par la suite, à Tiliit, dans une ancienne communauté juive du Dadès au cœur même de la tribu berbère des Yourteguine. Tribu, comme celle des Aït Ouchrahil (Is-ra-el) qui passe pour être d’origine juive.

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Juif de Ouarzazate
Archives Balmigère

 


Ces manuscrits, à quelques variantes près, décrivent l’histoire des luttes d’abord entre Juifs et Chrétiens puis entre Juifs et Musulmans jusqu’à l’année 90 de l’Hégire (an 710). Une légende, celle de l’esclave judaïsé Maïmoun, qui serait l’ancêtre du fameux marabout Sidi Mhamed ben Naser, fondateur de l’ordre des Nasiriya qui occupèrent la Zaouïa de Tamgrout à partir du XVIIe siècle, figure dans les deux traductions. Dans le Drâa, cette légende est toujours contée dans la tradition orale qui conserve des notions de lieux qui ne figurent pas dans les manuscrits et qui précisent que l’aventure de Maïmoun se déroula à Beni Gh’allouf dans le Fezouata, non loin de la zaouïa.
Ce qui intrigue, c’est que ces manuscrits apportent un élément qui ne se retrouve pas dans la tradition orale locale : la présence ancienne de Chrétiens dans le Drâa. Étaient-ils venus du Moyen-Orient, compagnons de voyage des Juifs fuyant les premières années de l’Hégire ? Ou bien un missionnaire avait-il apporté la foi chrétienne dans cette région ? L’énigme demeure...
Les deux textes traitent d’une série d’événements échelonnés sur sept cent cinquante ans et en attribuent la priorité aux Koushites, premiers habitants de la vallée, sans conteste les Harratines du XXe siècle. Les noms de lieux et de ksour indiqués correspondaient aux noms actuels. Ces textes comportent par ailleurs de précieuses indications sur la modification progressive du climat.

 

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Juif de Mahmid el Ghozlane

Le foum Tidri
Le lieu de la plus ancienne implantation des Juifs aurait été, au Foum Tidri près de la nécropole de Foum er’Rjam, une ancienne ville nommée Tidri. On dit que les tumulus de la nécropole voisine auraient été leurs tombes, mais cette tradition est suspecte... On peut retenir que les Juifs de Tidri vénéraient le tombeau d’un saint homme nommé Isaac Akkouim qui passe parfois pour être le fondateur de Tidri. Les musulmans le vénèrent également sous le nom de Sidi Moussa, mais il vaut mieux ne pas trop en parler devant eux, car il semble y avoir plus de sorcellerie que de sainteté à ce sujet. De Tidri, les Juifs seraient remontés vers l’amont pour fonder Beni Sbih et Beni Hayoun.
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Femme des Beni Sbih
documents Besancenot


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Photo de 1931


Sur la rive gauche du Drâa, au SSE de Foum er'Rjam, se distingue Taourirt n’Tidri : une colline où se trouvent des ruines, les unes de pierre, les autres de pisé. C’est ce site qui était donné par les Juifs, habitant encore la vallée du Drâa au temps du Protectorat, comme les restes de leur premier établissement dans la région. La tradition orale des anciens du pays est abondante.
Jean Mazel,
dans son livre : Énigmes du Maroc, rapporte que d’après une enquête locale, certains prétendent que les ancêtres de leurs ancêtres affirmaient qu’avait existé, dans des temps anciens à Foum er'Rjam, une stèle sur laquelle était gravée l’inscription suivante : “Jusqu’ici, Joab, prince de l’armée, poursuivit les Philistins.” Certains prétendent aussi qu’il s’agit d’un cimetière chrétien... contenant des restes des chrétiens exterminés par des Juifs au cours des sanglants combats qui décimèrent les anciennes communautés du Drâa. D’autres estiment que toutes les pyramides de pierre de la région abritent les corps des Juifs massacrés par les Almoravides ou par les Almohades. On parle également d’un sommet proche qui s’appellerait le “jebel Daoud” (la montagne de David).
Les Oulad Driss racontaient qu’autrefois la plaine rive gauche du Drâa au Sud de Tidri était couverte d’oliviers et de figuiers. Juifs et musulmans allaient en pèlerinage à Tidri sur la tombe d’un même saint qu’ils vénéraient mutuellement. Les Juifs le nommaient Isaac Aqqouime, venu autrefois d’Aqqou en Palestine et fondateur de Tidri. Les Musulmans, eux, vénéraient encore il y a peu ce saint sous le nom de Sidi Moussa.

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Juifs marchands de sucre


Un livre, plutôt une compilation d’anciens textes écrits en hébreu et en judéo-araméen, a été publié par un rabbin en 1911 à Jérusalem, sous le titre La lumière du Maghreb. Histoire des Israélites du Maroc.

Voici un extrait sur le secteur qui nous concerne :
Mais pendant cette époque troublée, les Juifs, habitant l’oued Drâa, proche du Sahara, étaient restés à l’écart de ces désordres. Ils avaient un gouvernement bien établi et une armée puissante qui tinrent les autres peuples en respect. En l’an 4760 (an 1000), les Juifs du Drâa avaient pour chef Youssef. Les Nosrim (désigne les chrétiens) ne reconnaissaient pas l’autorité de Youssef. Quelque temps plus tard, celui-ci étant mort, son frère Yacoub et son fils Samuel Ben Youssef lui succédèrent. Ils furent d’avis de conclure un arrangement avec les Nosrim afin de ne pas provoquer d’incidents.
“Ils partagèrent l’Oued en deux parties : les Nosrim prirent la moitié du côté de Cherg (désigne le Sud mais aussi l’Est, donc le Sud-Est) et les Juifs prirent l’oued Ezitoun (des oliviers). L’ensemble s’appelait l’oued Drâa. Mais cet arrangement dura peu car les Nosrim attaquèrent les Juifs de Rbat El Hajar, leur tuèrent dix hommes et voulurent massacrer les autres. Mais ceux-ci se réfugièrent à Tagmadurt (Tamgrout ?). Avant que les Nosrim aient rassemblé leur armée pour les poursuivre, le roi Yacoub et Samuel furent alertés. Ayant rassemblé leurs forces, ils tuèrent aux Nosrim 16.000 hommes.
“Sur ces entrefaites, Branès, le chef des Nosrim, gouverneur de Zeta, la ville des montagnes, qui était la capitale des Nosrim, mourut. Désemparés par cette mort, les Nosrim se replièrent sur Sijilmassa. Yacoub et Samuel les y poursuivirent et en tuèrent encore 8000. On raconte qu’après cette défaite, des Nosrim s’enfuirent jusqu’à Aghmat, mais Yacoub et Samuel les pourchassèrent encore et en tuèrent 4000.
Les Juifs revinrent alors à l’oued Derrha et étendirent leur autorité sur l’ensemble du pays qu’ils avaient partagé avec les Nosrim.
Cette notion de séparation en secteurs du cours de l’oued Drâa se retrouve dans l’interprétation que certains historiens donnent pour expliquer l’origine du mot “Drâa” et dans beaucoup d’histoires de la tradition orale.

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Tagounit, école juive du mellah des Beni Sbih
Photothèque de l'Alliance Israélite Universelle (AIU)


Le rabbin Mardochée d'Akka

Mardochée Aby Serour fut un infatigable voyageur. Né dans le Sud marocain, probablement à Akka en 1826, il se jette sur les routes dès l’âge de neuf ans et ne les quittera plus. Rabbin en Palestine, caravanier au Sahara, trafiquant au Soudan (de l’Afrique de l’Ouest), il rapporte du plus profond du désert vers les villes et l’Europe des expériences uniques pour son temps, ouvre des itinéraires, dévoile des cultures insoupçonnées. Une escapade au Touat changera le cours de son existence. Désormais, il voudra s’installer à Tombouctou, depuis des siècles interdite aux infidèles... où il se fera pourtant admettre.
Aventurier polyglotte et éclairé, sa renommée est à l’époque telle que, correspondant de scientifiques européens, il sera choisi pour guider Charles de Foucauld en 1883 à travers le royaume chérifien.
Référence bibliographique : : De Jérusalem à Tombouctou ou l’odyssée saharienne du rabbin Mardochée, par Jacob Oliel, édition Olbia 1995.


Mardochée en 1883
avant son départ avec Charles de Foucauld
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Akka_Mardoche__Tombouctou_Litho_1883



Circuit des sites juifs de la palmeraie d’Akka

Feuille au 100.000e NH-29-X-2 (Akka)
Km 0. 29°23,04'N - 08°16,08'W. Sur la route en direction de Foum el Hasn, à la sortie de la ville, panneau annonçant les gravures rupestres de l'Adrar n'Metgourine (15 km) et la zaouia Sidi Abdallah Embarek. Prendre la piste à droite, cap au Nord.
Km 3,8. 29°24,58'N - 08°16,02'W. Au niveau de la zone d'urbanisation moderne, prendre la piste à droite qui rejoint le village de Tagadirt, cap au Nord.
Suivre tout droit malgré un passage étroit.
Km 4,4. 29°24,87'N - 08°15,97'W. Mosquée de Tagadirt, parking. Demander sur place pour se faire conduire à l'ancien mellah dans le vieux village.
29°24,87'N - 08°16'W. A l'intérieur de la synagogue dont le plafond s'est effondré. En continuant la rue du mellah, qui est un cul-de-sac, dans la partie couverte, une porte à droite permet la visite d'une ancienne maison juive, encore en bon état. Le rabbin Mardochée, originaire d’Akka, fut le premier à signaler et décrire des gravures rupestres dans le Sud du Maroc. C’est en sa compagnie, que Charles de Foucauld (déguisé en juif) effectua sa Reconnaissance au Maroc en 1883-1884.
Km 5. 29°24,58'N - 08°16,02'W. Retour à la piste principale km 3,8. Prendre par la droite.
Km 5,9. 29°24,90'N - 08°16,32'W. Prendre à droite la piste dans les cailloux.
A environ 250 mètres vous vous retrouvez au milieu de l'ancien cimetière juif (29°24,90'N - 08°16,25'W).
La personne qui nous a informés sur l'ancienne communauté juive d'Akka nous a signalé que non loin de la zaouia de Sidi Abdallah Embarek existait un ancien marabout où les Juifs résidant encore à Agadir, venaient chaque année en pèlerinage.


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1950. Réparateur de bas d'âne

Histoire des juifs du Sud marocain

Sources : Texte provenant en partie de Mireille Morin-Barde, issu du livre : Coiffures féminines du Maroc, Edisud 1990.
La plupart des Juifs du Maroc sont sans doute venus à des époques très anciennes. Hérodote parle déjà d’une émigration juive au moment de la colonisation phénicienne (VIe-IVe siècles avant Jésus-Christ). Certains auraient accompagné le Carthaginois Hanon, apportant leur civilisation et trouvant auprès des tribus une force qui leur permit de s’organiser.
Les Zénètes avaient des rapports étroits avec les Juifs et certains se seraient judaïsés. Stéphane Gsell écrivait, dans l’Histoire ancienne de l’Afrique du Nord” : “On a des raisons de supposer que vers la fin des temps antiques, la religion israélite se propagea dans certaines tribus indigènes. Il est fort possible que des descendants de ces convertis se trouvent aujourd’hui confondus avec des Juifs d’origine étrangère. Soit par atavisme, soit par adaptation au milieu, beaucoup de Juifs maghrébins offrent des traits qui rappellent des visages berbères et n’ont rien de sémitique”.
Moïse Nahon qui partageait cette opinion expliquait ainsi la répartition en îlots isolés, dans des régions peu accessibles et peu sûres, de ces Israélites qui ont toujours préféré se masser dans les grandes villes, à l’abri d’une autorité. Leur situation y était d’ailleurs exceptionnellement privilégiée en matière de propriété. Cette hypothèse paraît fort plausible lorsqu’on voyait les femmes qui peuplaient certains mellahs du Maroc présaharien.
L’histoire du peuplement juif dans le Sud marocain est plus riche de traditions que de documents écrits. D’autant que ceux-ci ne sont souvent que des traductions, comme c’est le cas de deux manuscrits dits l’un de Chott el Maghzen, l’autre de Tihilit qui s’accordent sur le fond et font état de royaumes juifs dans les oasis qu’ils partageaient avec les chrétiens. Ces derniers auraient été des Kouchites, Harratines christianisés ayant eu un roi à Tarzout, au jebel Zagora avant d’en être chassés par les Juifs de Tamgrout.
A ce peuplement très ancien, pourrait se rapporter l’immense nécropole de Foum Larjam, au coude du Drâa dans le jebel Beni Selman (Salomon), entre le Ktaoua et Mhamid. Nécropole qui rassemble de très nombreux tumuli toujours non identifiés avec certitude, mais présentant un dispositif de lucarne qui pourrait permettre de les rapprocher des tombes de l’Orient sémitique. Hélas les bureaucrates de l’Insap de Rabat, l’organisme compétent à la manière, n’ont jamais daigné y accorder une quelconque attention... permettant ainsi à cette nécropole d’être pillée d’années en années, en dehors du fait que les pierres des tumuli servent maintenant à la construction des maisons des douars du Mhamid.
Des tumuli semblables se trouvaient également au pied du jebel Zagora et d’autres encore au jebel Bouïa sur le Rhéris, nécropoles aujourd’hui complètement rasées, là aussi les pierres ayant servi à la construction des maisons modernes d’Amzrou ou d’Erfoud. Pauvre Maroc qui fait fi de son histoire anté-islamique, dernier exemple en date, la nécropole de Chbika dans la province de Tan-Tan dont les pierres de la plus importante nécropole de monuments à antennes de l’Afrique de l’Ouest ont été utilisées pour le remblai de la nouvelle route Chbika - Abteih. Quelques-uns s’en sont ému (médias et télévision), mais trop tard, le mal était fait... Insap aux abonnés absents...
On sait qu’autrefois certains Juifs du Drâa se disaient descendre de ceux qui avaient accompagné Abner à la poursuite des Philistins, une stèle ancienne aurait porté l’inscription “jusqu’ici, mais pas plus loin”, mais elle est restée légendaire. Selon une autre hypothèse, ils auraient été envoyés par le roi Salomon à la recherche des pays producteurs d’or.
P. Flamand a observé la similitude des comportements sociaux entre Juifs et Berbères, les croyances et les pratiques souvent étrangères aux dogmes et aux rites du judaïsme, par suite de leur résidence prolongée en pays non juif. Certains saints étaient également vénérés par les Juifs et les Musulmans là où ils cohabitaient. Les uns comme les autres craignaient toujours “le mauvais œil”, les enfants juifs du Dadès avaient sur le front un signe au harqus qui ressemblait fort à un hamsa, ou une marque laissée par les cinq doigts de la main.
On est obligé néanmoins de constater que certaines tribus berbères n’ont jamais admis l’installation des Juifs sur leur territoire. Pas de mellah chez les Aït Haddidou, ni chez les Aït Seddrat et les Aït Atta se flattaient de ne pas tenir leurs engagements à leur égard. Cela provient sûrement que les Juifs préféraient s’installer dans les lieux et les villages habités par une population diversifiée comme le Drâa, le Dadès et le Tafilalet, où aucun leff, aucun groupe, ne pouvaient faire bloc contre eux.
En considérant le peuplement juif sous l’aspect particulier des parures et coiffures féminines, on constatait sans peine l’existence de groupements distincts comprenant plusieurs mellahs. Dans la vallée du Drâa, on remarquait l’existence de trois foyers : celui des Mezguita avec les mellahs d’Agdz, Asselim n’Ougdz et Tamnougalt; un autre au Ternata avec Amzrou et surtout Laroumiat dont le nom signifie “la romaine” ou “la chrétienne” selon l’ancienne appellation, car le chrétien est aujourd’hui “le nesrani”, un nazaréen. Le troisième groupement et le plus important, comptait Beni Sbih et Beni Hayyoun au Ktaoua et Mhamid el Ghozlan, la gazelle.
Au Dadès, les femmes de Tihilit et des Aït Ouzzine portaient d’admirables diadèmes couverts de pièces d’argent; l’art réputé de leurs bijoutiers prolongeait peut-être celui des fondeurs de monnaie de la mine du Todgha, mais le Todgha avait son propre mellah, différent de celui du Rhéris et au Tafilalet, un groupe important avait probablement son origine chez les orfèvres et les commerçants de Sijilmassa.
Au sujet des coiffures, dans chacun de ces groupes, les femmes avaient une façon particulière de dissimuler leurs cheveux sous une perruque de crins, de soie ou encore de plumes d’autruche.
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Intérieur d'une maison dans le mellah de Beni Sbih, Zagora
Photo D.R. Cowles 1950
Note succincte sur les populations juives du Drâa

Source : Etude du lieutenant Spillmann : Villes et Tribus berbères. Districts et tribus de la Haute vallée du Drâa. 1934.
Persécutés par Idriss 1er dans le Maroc septentrional, les Juifs se réfugièrent dans les provinces du Drâa et du Sous qui étaient alors indépendantes. De là, ils se répandirent au Sahara et au Soudan. Il est d’ailleurs possible que l’existence, sur le versant Sud de l’Atlas, de population déjà hébraïsées ait incité les fugitifs à s’y fixer.
Quoi qu’il en soit, le Drâa semble avoir été de bonne heure un centre important de civilisation israélite. Dès la fin du IXe siècle, cette région dispute, avec Fez, la priorité intellectuelle à la grande cité juive de Kairouan. Moïse Draoui l’ancien, et Dounash, savant talmudiste de la fin du Xe siècle (ère chrétienne), sont les plus brillants représentants de cette belle période.
L’hérésie caraïte, qui se développe au XIe siècle, paraît avoir été tout d’abord localisée à Fez et dans le Drâa. D’après Slousch, les caraïtes auraient entretenu de bonnes relations avec les Almoravides et auraient même pris part à leurs expéditions en Espagne.
Le Draoui Adwine ben Masimas Halevy fut un des premiers savants caraïtes du Maroc. A la fin du XIe siècle, Moïse Draoui, érudit et poète caraïte originaire d’Espagne, jouissait d’une grande notoriété parmi ses coreligionnaires.
Sous les Almohades, les caraïtes du Drâa connurent des persécutions. Le sultan Abd el Moumen s’acharna particulièrement contre eux et l’auteur caraïte Moïse Abraham Halevy ed Draoui, érudit réputé et médecin de profession, dut quitter son pays d’élection l’Espagne et voyager en Asie.
Les persécutions almohades mirent un terme au mouvement intellectuel et religieux des Juifs marocains. Les caraïtes, échappés aux massacres, se réfugièrent alors dans la montagne ou au Sahara.
Sous la dynastie mérinide, les Juifs bénéficièrent d’un régime plus humain, sans parvenir toutefois à reprendre l’influence dont ils avaient joui jadis.
Actuellement, les mellahs du Drâa végètent misérablement. Cependant, il n’est pas rare de voir un riche notable juif jouer, grâce à sa fortune et à son astuce, un certain rôle dans la vie politique de la cité où il réside. C’était le cas notamment du cheikh des juifs de Beni Sbih, Mouchi n’Aït Mijo, qui eut une grosse influence dans le district du Ktaoua, au début du XXe siècle.
“En général, les juifs du Drâa n’ont pas de déhiba sur une fraction ou sur une tribu des Aït Atta. Ils sacrifient individuellement à un notable de cette confédération. Chaque juif connaît ainsi son maître et lui verse directement son tribut annuel.


Liste des mellahs du Drâa en 1934
Mezguita
Asselim n’Ougdz, 12 feux
Agdz, 12 feux
Tamnougalt et Asselim n’Izder, 50 feux
Aït Zerri
Timesla, 15 feux
Tinzouline
Qsebt el Makhzen, 15 feux
Akhellouf, 6 feux
Ternata
Beni Zouli, 15 feux
El Mansouria, 8 feux
El Aroumiat, 7 feux
Fezouata
Amzrou, 50 feux
Ktaoua
Beni Hayyoun, 50 feux
Beni Sbih, 80 feux
Mhamid
Ouled Ahmed er Ghozlan, 40 feux