Colonnes de pacification

1917-1918. L'occupation de Tighmart

Mis à jour : mardi 23 août 2011 10:33
Qui connaît l’histoire de la première occupation de Tighemart
par les forces makhzen, et son évacuation ?


Jusqu’en 1917, un khalifa du Sultan exerce dans le Tafilalet un gouvernement purement nominal et sollicite vivement l’installation des forces makhzen pour confirmer son autorité. Cédant à ses instances, l’occupation est décidée. Jusque-là, Lyautey, sollicité par d’autres problèmes dus à la guerre, a reculé devant la faiblesse de ses moyens et les répercussions insoupçonnées qu’une pareille occupation peut entraîner. Ses craintes sont justifiées car l’installation réalisée cependant sans coup férir, déclenche une insurrection générale de toutes les confédérations musulmanes unies pour la circonstance. Il faut évacuer l’oasis après une série d’opérations très dures conduites par le général Poeymirau avec de puissants moyens, et limiter l’occupation du Tafilalet à Erfoud.
En 1915, l’occupation par la France du Territoire de Bou Denib est filiforme; les forces militaires tiennent la ligne d’étapes de Colomb-Béchar à Bou Denib, pas d’étalage en largeur, pas de protection sur les flancs. Le lieutenant-colonel Doury pense que pour se protéger au Sud de l’Atlas il faut s’appuyer sur le Tafilalet en y renforçant l’autorité du khalifa du Sultan. Après les victoires de Meski en juillet 1916 et d’El Maadid en novembre, des députations du Tafilalet, viennent demander l’Aman.
Tighmart

Le 14 mars 1917, le khalifa Moulay el Mehdi se présente à Bou Denib pour s’entretenir avec le Commandant du Territoire; à sa demande, est envisagée la possibilité d’occuper le Tafilalet. En août, après une étude approfondie de la question, Doury envoie un rapport à Lyautey, proposant l’occupation du Tafilalet, non par des troupes, mais par une mission composée d’un capitaine résident, d’un officier interprète et d’un médecin avec un poste de T.S.F. et un groupe de 150 partisans recrutés sur place.
En septembre, le Résident général donne son approbation à la mise en œuvre du projet. Aussitôt les Filaliens et les gens du Tizimi se mettent au travail pour préparer l’entrée de la force Makhzen; ils aménagent même à travers leur palmeraie une piste carrossable pour permettre aux arabas militaires d’amener le matériel et les vivres.
L’intronisation de la mission se fait, le 5 décembre 1917, avec une certaine solennité dans la casbah Makhzen de Tighmart, symboliquement près du tombeau de Moulay Ali Chérif, le fondateur de la dynastie alaouite régnante.
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Au dos de cette carte postale d'époque, on trouve la légende suivante :
"En présence de toutes les troupes de la Colonne Mobile de Bou Denib, le khalifat du Sultan, Moulay el Medhy et une brillante assistance saluent le drapeau français hissé pour la première fois le 5 décembre sur les tours du palais de Tighmart,
à côté de l'étendard rouge du Sultan du Maroc
."

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Au dos de celle-ci :
"Le Khalifat du Sultan Moulay el Medhy, accompagné d'une suite brillante,
vint faire une escorte d'honneur aux officiers de la Colonne Mobile de Bou Denib.
"

Dès le début de 1918, l’ère des difficultés débute à la suite d’une propagande sournoise mais ô combien efficace d’agents allemands. Poussés à la guerre sainte par un indigène fanatique qui se fait appeler Moulay M’Hamed et que l’on surnomme Moha N’Ifrouten, les Aït Atta du Tafilalet entraînent sous l’étendard de l’Islam tous les mécontents et les tribus du Bled es Siba de la périphérie du Tafilalet.
Les Filaliens ne tardent pas à répondre aux appels du promoteur du mouvement par ailleurs secondé par un certain Belkacem N’Gadi que lui a envoyé un agitateur du Nord, Abdelmalek, conseillé par des Allemands. Le khalifa du Sultan, homme sans aucun prestige, se rend compte de l’état d’effervescence mais ne fait rien pour l’enrayer; la harka de N’Ifrouten peut ainsi s’installer au Tafilalet. Le 9 août 1918, un groupe mobile makhzen, arrivé de Bou Denib, réussit à culbuter les insurgés mais dans l’après-midi, suite à une trahison locale, un des détachements de flanc (11 officiers, 25 sous-officiers, 330 soldats sénégalais, tirailleurs algériens et légionnaires) qui s’est aventuré imprudemment trop en avant dans la palmeraie est complètement anéanti à Gaouz.
Après cette affaire, l’audace des tribus insurgées et des Filaliens ne connaît plus de bornes. En octobre 1918, tant en raison de la difficulté du ravitaillement de la mission installée en pleine palmeraie que de la faiblesse des troupes dont les effectifs fondent, suite à une grippe espagnole, la France décide d’évacuer le Tafilalet pour s’installer à Erfoud. A en juger par les événements qui suivirent, il aurait coûté moins cher de défendre les positions que de marquer un recul, le premier depuis l’occupation du Maroc par la France, et de se défendre ensuite contre un ennemi qui devait fatalement se renforcer. Et cela est si vrai qu’il ne fallut pas moins de sept bataillons, quatre batteries d’artillerie, deux escadrons, une escadrille d’avions pour débloquer les deux postes avancés de Ksar-es-Souk et d’Erfoud et pour rétablir l’ordre dans la région de Bou Denib, presqu’entièrement en révolte.
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Doury Paul, général : Un échec occulté de Lyautey. L’affaire du Tafilalet. Maroc Oriental 1917-1919. L’Harmattan 2008
Ouvrage de référence, écrit par le fils du lieutenant-colonel Doury

Cartes extraites du Guide Bleu 1925
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Tafilalet_1925

Le Mausolée de Sidi Moulay Chérif

En 1672, au moment de la mort du véritable fondateur de la dynastie alaouite, Moulay er Rachid, qui avait réussi à s’emparer de Fès et à étendre son autorité sur le reste du pays, ses successeurs manifestèrent un intérêt tout particulier pour le Tafilalet, en y entreposant leurs trésors et en y envoyant en exil les frères et les fils qui risquaient de les gêner dans leur capitale. C’est ainsi que Moulay Ismaïl (1672-1727) fit bâtir une kasbah à Rissani, imité en cela par d’autres souverains qui dotèrent le Tafilalet de plusieurs palais fortifiés, dont on peut encore voir quelques restes souvent imposants malgré leur état de délabrement avancé.
Moulay Ali Charif, ancêtre de SM le Roi Mohammed VI, fut un grand homme de foi, un Moujahid et un illustre savant qui a transmis son savoir à un grand nombre de ses disciples dans le monde arabo-musulman jusqu'en Andalousie où il a passé plus de vingt ans. Originaire de Yanbouâ, en Arabie Saoudite, Moulay Ali Charif, né en 762 de l'hégire (an1360) est décédé en 847, à l'âge de 85 ans. Il fut inhumé dans un premier temps à la Zaouiat de Tighmart à quelques kilomètre de Rissani, avant que sa dépouille ne soit transférée à l'actuel mausolée, construit sous le règne de Sidi Mohamed Ben Abdellah en 1206 de l'hégire.
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Décoré de céramique, l'imposant portail du Mausolée donne accès à la grande salle abritant la tombe de Moulay Ali Charif. L'enceinte sacrée comprend une vaste cour, un patio et une mosquée pittoresque dominée par une magnifique coupole d'une longueur de 11 mètres sur 7 mètres de largeur et d'une hauteur de 15 mètres, décoré selon les règles de l'art architectural marocain.
Le sanctuaire comprend, outre les tombes de Moulay Ali Charif et de ses fils Moulay M'hamed et Moulay Youssef, celles de Sidi El Habib Ben Zine El Abidine Ben Moulay Ismaïl, et de Moulay Rachid Ben Sidi Mohamed Ben Abderrahman.
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Parcours historique

Km 0. 31°16,65'N - 04°17,15'W. Embranchement Ouest pour Rissani. Prendre la route pour Rissani. Traverser la ville en suivant le fléchage Mesguida, et mausolée de Sidi Moulay Ali Chérif.
Km 4. 31°16,89'N - 04°15,17'W. Prendre une petite route à gauche, direction ESE.
31°16,80’N - 04°15,20’W. Mausolée Moulay Ali Chérif. Il a été reconstruit en 1955, après avoir été détruit par une crue de l’oued Ziz en 1950. Il ne se visite pas.
Km 4,8. 31°16,80'N - 04°14,92'W. Prendre la piste à gauche. Panneau fléché en ferraille. Cap à l'Est.
Km 5. 31°16,86'N - 04°14,77'W. Vous êtes en face des ruines de l'ancienne kasbah de Tighmart. A gauche le petit bâtiment, avec ses drapeaux verts, c'est l’ancien mausolée de Sidi Moulay Ali Chérif.
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Légende au verso :
"On découvre une admirable mer de palmiers s'étendant sur plusieurs kilomètres,
parsemée de ksour nombreux.
"
1918. Suites de l'évacuation de Tighemart

Après l’évacuation de Tighemart, une grande vague de révolte déferle sur le pays sous l’impulsion du N’Ifrouten, depuis le Draa jusqu’au Moyen-Atlas. Les communications entre Erfoud et Ksar-es-Souk sont menacées.
Au début de décembre, Moha lance ses contingents dans la vallée du Ziz sur le Tizimi. Le 3, il enlève la première enceinte d’El Maadid (31°28,07’N - 04°12,97’W) mais les Arabes fidèles au Makhzen résistent. Les 11 et 12 décembre, il attaque la redoute d’Erfoud mais les assaillants ne peuvent franchir le réseau de barbelés. Du 24 au 29, Erfoud et Ksar-es-Souk subissent de nouveaux assauts. Lyautey est dans l’obligation d’organiser une prompte riposte; il envoie des renforts à Bou Denib et charge le général Poeymirau de diriger les opérations.
D’autre part, le général Aubert reçoit l’ordre d’exécuter une diversion au Nord, avec le groupe mobile de Taza, pendant que Si Thami el Glaoui, arrivant à l’Ouest à la tête des contingents glaoua, tentera de prendre les harkas de flanc. Poeymirau lance ses troupes le 12 janvier 1919. Le 15, après un violent combat, il enlève Meski où les dissidents se sont une fois de plus retranchés. Mais, au cours du bombardement, l’éclatement prématuré d’un obus blesse grièvement le général; on doit l’évacuer par avion. Le commandement échoit alors au colonel Mayade; celui-ci s’empare, lendemain, du ksar Moulay Abdallah, puis continue de refouler les harkas au-delà de la zone de Ksar-es-Souk.
Le 25 janvier, il défait les dissidents à Amelkis puis dégage Erfoud. Entre-temps Lyautey est venu s’installer à Bou Denib d’où il dirige les opérations. Le groupe du lieutenant-colonel Huré part du Tizimi, le 31, et marche contre une nouvelle harka retranchée entre les Oulad Bouziane et Rezikat; le combat est bref et la harka vaincue se disloque. De son côté, le pacha de Marrakech, Si Thami, à la tête de 10.000 Glaouas et d’un escadron de spahis sénégalais, a rejoint le colonel Mayade sans être arrêté.
A la fin de janvier 1919, Moha n’Ifrouten a perdu la partie; s’il a réussi à obliger les troupes makhzen à quitter le Tafilalet il n’a pas pu les empêcher de s’installer sur le versant Sud de l’Atlas jusqu’au Tizimi. Les contingents Aït Atta abandonnent sa harka, ce qui l’oblige à se replier vers le Sud accompagné seulement d’environ 400 fidèles. Pendant toute l’année 1919, le poste avancé d’Erfoud et les Arabes ralliés du Tizimi seront l’objet d’attaques partant du Tafilalet. En novembre 1919, N’Ifrouten, le promoteur du mouvement de révolte dont l’étoile commence à pâlir, est alors assassiné. Son khalifa Belkacem N’Gadi, qui l’a frappé, le remplace et s’emploie aussitôt à utiliser les mêmes procédés contre les forces makhzen et les tribus ralliées.
Un rappel de ces combats se trouvait inscrit sur une stèle installée autrefois au carrefour de “l’Aviation” à Ksar-es-Souk, intersection de la route du Ziz et de Goulmima. La liste des combats de la région était accompagnée du texte suivant : “Passant, marque un arrêt, songe un instant aux morts dont le sacrifice a permis que tu sois là, sans crainte... et maintenant tu peux aller...” Une stèle devait être construite à Meski, en souvenir du général Poeymirau, et placée au sommet de la falaise rive gauche du Ziz, près de la piste conduisant au ksar, à l’endroit même où le général fut blessé en janvier 1919.

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