Colonnes de pacification

1930-36. Les combats dans les confins maroco-algériens

Mis à jour : lundi 2 février 2015 17:35
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Une unité de Légion sur le pont du Ziz

Extraits de : Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc, par le colonel L. Voinot.
Ed. Charles-Lavauzelle 1939.

En 1930, en attendant le moment d’intervenir au cœur du Tafilalet, les forces makhzen opèrent au Sud-Est des palmeraies. En février, la Compagnie Saharienne du Ziz pousse une reconnaissance dans la région de Taouz jusqu’à Hassi Zerzour; cette tournée à travers les terrains de parcours des Aït Khebbache produit de l’effet. Un peu plus tard, au milieu de mai, un détachement de deux compagnies sahariennes, deux compagnies montées de Légion, un escadron d’automitrailleuses parcourent la zone de Megheïmine à Taouz; dans la nuit du 12 au 13 mai, ils essuient quelques coups de feu au bivouac d’Hassi Merdani, mais sans conséquence.

L’attaque de Kemkemia-Foukania. Si l’activité des troupes qui préparent l’investissement du Tafilalet ne trouble pas les sédentaires, en revanche elle commence à inquiéter les nomades. Au début de juillet 1930, la compagnie saharienne et deux pelotons d’automitrailleuses reconnaissent sans incidents la falaise de la hamada, au Sud de Taouz; le 9, ils campent à Megheïmine. Des informateurs signalent alors qu’un groupe d’environ 500 Aït Hammou et Aït Khebbache, rassemblés au Tafilalet, se dispose à sortir pour attaquer le détachement. Dès que la nouvelle parvient au commandant du cercle d’Erfoud, celui-ci se hâte d’envoyer en renfort une compagnie montée de légion, un goum et 100 partisans, et prescrit aux unités de Megheïmine de se rendre à Kemkemia. Dans la soirée du 11, la jonction s’effectue à Kemkemia-Foukania, à une quarantaine de kilomètres au Sud-Est d’Erfoud; l’organisation du camp, que l’on forme en carré, est terminée avant le coucher du soleil. Les patrouilles de partisans n’ont pas découvert de traces aux environs et dans l’erg Chebbi; mais un émissaire, qui arrive durant la nuit, signale des feux au Sud entre Hassi Merdani et Guelb en Nehas; aussi la petite colonne assure-t-elle une garde vigilante. Croyant n’avoir affaire qu’à la compagnie saharienne, et profitant de l’obscurité pour dissimuler sa marche, le djich se porte sur Kemkemia. Vers 4 heures du matin, le 12 juillet, les guerriers Aït Hammou et Aït Khebbache se trouvent à moins de quatre cents mètres des faces ouest et sud du camp; ils exécutent à l’improviste une violente fusillade, puis se lancent à l’assaut en utilisant le couvert de petites dunes. Grâce à leurs armes automatiques, les forces makhzen font échouer cette attaque-surprise; pourtant, un groupe assez important tente encore d’investir la face Ouest; une dizaine d’audacieux parviennent seuls à environ quinze mètres des défenses et sont refoulés par un tir bien réglé. Une contre-attaque des Sahariens réussit à les rejeter sur le Ziz et à les mettre en fuite avec de sérieuses pertes; du côté Makhzen, elles sont de 4 tués et de 6 blessés.
L’occupation de Taouz et le début des escarmouches. Au début de 1931, on resserre l’emprise autour des oasis du Tafilalet. En février, le général Giraud, chef des Confins algéro-marocains, descend la rive gauche du Ziz à la tête d’une colonne et pousse jusqu’à Taouz, qu’il occupe sans coup férir, le 28 janvier; l’avant-garde, aux ordres du lieutenant-colonel Denis, y entre à 11 heures. Les habitants se soumettent immédiatement; le service des Affaires Indigènes entame aussitôt une forte action politique chez les Aït Khebbache qui campent aux environs. Un bordj, dans lequel s’établit la compagnie saharienne, est construit à Taouz en quelques semaines. Avant la fin des travaux, le groupe mobile des Confins entreprend une série de reconnaissances dans la région. Les premières tournées ne soulèvent pas la moindre opposition; mais les nomades commencent à réagir à partir du mois de mars. Le 3, des rôdeurs échangent quelques coups de feu avec les éléments motorisés d’un détachement qui couvre un chantier de piste; un officier est tué et un légionnaire blessé. Le 19 mars, un groupe arrivant sur la Daoura, au Maïder qui forme une vaste cuvette à l’Ouest du Bas-Rheris, a une légère escarmouche avec une bande de dissidents. Fort heureusement, les sédentaires se montrent mieux disposés; la plupart ne demandent qu’à vivre en paix. C’est ainsi que la Djemaâ des Oulad Haroun offre son appui, dès qu’elle comprend que l’occupation de Taouz est définitive. Le 29 mars, les troupes makhzen s’installent au ksar El Haroun et commencent la construction d’un poste.

Les attaques de Derkaoua et de Merzouga. Deux attaques ont encore lieu en avril 1931. Le 4, pendant une violente tempête de sable, un djich Aït Hammou tombe sur un peloton d’automitrailleuses, près de Derkaoua; l’engagement coûte 3 tués au Makhzen, dont le lieutenant Blanc. Enfin vers le milieu du mois, environ 200 Aït Hammou et Aït Khebbache assaillent, près de Merzouga, le détachement qui travaille à la piste de Taouz; repoussés et poursuivis avec vigueur, ils doivent abandonner plusieurs de leurs morts sur le terrain. Les forces makhzen ont 3 tués, dont un officier aviateur, le sous-lieutenant Hennequin, et 2 supplétifs blessés. Par la suite, un calme définitif s’installe peu à peu.
1934, la fameuse targuiba de Taouz. L’histoire de la targuiba de Taouz a fait à son époque les gorges chaudes de tout le Sud. Dès que Taouz fut prise, le Général arriva et s’enquit de la date de la targuiba, grande manifestation au cours de laquelle la tribu fait sa soumission au Makhzen en sacrifiant un taureau. Assez embarrassé, l’officier local des Affaires Indigènes répondit que la tribu qui se soumettait n’avait plus un seul animal, qu’elle avait tout perdu les mois précédents, et que dans ces conditions la targuiba habituelle n’aurait pas lieu. Le Général entra alors dans une vigoureuse colère; c’était sa première soumission et il n’entendait pas être frustré du spectacle. Il intima donc à son interlocuteur de s’arranger comme il pourrait; mais il lui fallait la mise en scène complète. D’autant plus qu’il y avait convié des hôtes de marque et qu’il ne pouvait plus les décommander. Dès lors, il n’y avait pas d’autre solution que de procurer aux impétrants l’animal à sacrifier. Mais où le trouver ? L’apparition de la colonne avait réellement vidé le pays : pas un taureau ni un bélier à l’horizon. La Compagnie Sahariennes, qui prenait part aux opérations, refusa avec indignation de donner un de ses méharis pour cette mascarade. Et un cheval de goumier, c’était un peu cousu de fil blanc pour une tribu saharienne. L’officier télégraphia alors à la base de ravitaillement d’Erfoud qu’on lui envoie une des vaches du boucher. La bête fut ficelée et fourrée dans une automitrailleuse qui, pendant la nuit et dans le plus grand secret, l’amena au bivouac. Les nouveaux soumis en prirent possession et, au matin, ils l’égorgèrent dans les règles devant le Patron et ses invités. Ceci fait, ils bouffèrent paisiblement la viande de l’animal qui marquait pour eux la première carotte tirée aux Français. Ils auraient ri bien davantage s’ils avaient su que le pauvre officier, n’osant payer cette vache sur les fonds politiques, dont le Général vérifiait l’emploi de près, dut régler la bête sur sa solde.
Extrait de Goumier de l’Atlas, par Jacques Weygand, Flammarion 1954.
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Taouz en 1935. Officiellement la pacification du Maroc s’est achevée le 12 mars 1934 après la targuiba de Bou Izakarn. Toutefois il restait quelques groupes d’irréductibles dans l’Atlas central et dans le Sud où quelques groupes d’Aït Khebbache continuent à mener la vie qu’ils connaissent depuis des temps immémoriaux. Marcheurs infatigables, ils surgissaient là où on ne les attendait pas à plusieurs centaines de kilomètres du lieu de leurs derniers exploits. Ils pillaient et rançonnaient les tribus sédentaires de la vallée du Draa et du Tafilalet. Ils avaient une zone refuge, la région des Kem Kem, inhospitalière avec seulement quelques points d’eau. Le colonel Trinquet, commandant les confins algéro-marocains, comptait sur la Compagnie Saharienne du Haut-Guir pour en venir à bout et intervenir dans les Kem Kem à partir de sa garnison de Taouz. L’annonce de la future dissolution de cette compagnie saharienne fit que les opérations engagées par cette unité n’aboutirent à rien. La mission fut alors confiée au 25e Goum, commandé par le capitaine Boyer de Latour (futur résident général au Maroc) et alors chef de l’annexe de Goulimine. L’opération va durer sept mois, de novembre 1934 à mai 1935. Au départ de Goulimine, le capitaine Boyer de Latour emmène 75 partisans Aït Atta et Tseghrouchen et 60 goumiers. Ils sont transportés par camions sur 600 kilomètres de piste jusqu’à Tagounite dans le coude du Draa, point de départ de la mise en place (à pied) dans les Kem Kem. Le détachement est alors renforcé par une section du 20e Goum et une section du 44e ainsi que d’un Makhzen issu de la compagnie saharienne dissoute. Le capitaine de Latour ayant rejoint Goulimine, son adjoint le lieutenant de Furst, dans un isolement total, va ratisser avec sa troupe la région sans jamais toutefois arriver à anéantir ou capturer ces derniers dissidents. Ce fut un travail sans gloire mais très efficace qui permit, au prix de sacrifices physiques et moraux importants, en occupant tous les puits, de pousser les derniers irréductibles, à bout de résistance, à rejoindre individuellement leurs tribus d’origine ou à préférer faire leur soumission. Après une telle expérience, on confia le commandement du 16e Goum d’Assa, l’un des deux goums sahariens, au capitaine de Furst. Auparavant, il avait été nommé chef du bureau des A.I. de Taouz, à la fin de cette mission, pour suivre l’évolution de la situation dans les Kem Kem, jusqu’en 1936.
D’après un texte de D. Sornat, paru dans la revue Koumia, 2003.

1930. Lieutenant Chauvin, combat du Bou Leggou

Source : Koumia, bulletin des anciens des Goums et des A. I.

En octobre 1925, pendant que la majeure partie des troupes du Maroc renforcées d’innombrables bataillons et encadrées d’importants états-majors, transposaient la “Grande Guerre” sur les pentes du Riff, quelques unités en apparence déshéritées, continuaient à tenir les “fronts passifs” de Taza au Tafilalet. Le lieutenant Chauvin eut l’heureuse fortune d’être parmi ces déshérités qui firent leur expérience de blédard dans le commandement d’un petit poste en bordure de la dissidence du Moyen Atlas.
Jeune sous-lieutenant, Chauvin veut connaître le monde des partisans. Il va donc suivre le premier cours des Affaires Indigènes à Rabat, où il réussit à faire reconnaître sa réelle supériorité sur ses camarades de cours souvent beaucoup plus anciens. En 1927-28, au bureau de Midelt, Chauvin connaît d’abord le destin de dernier adjoint stagiaire. En 1929, c’est le poste de Bou Anane.
Affecté à sa demande à la Compagnie Saharienne du Ziz et rejoignant son unité, Chauvin est accroché à son passage à Bou Denib par la Compagnie Saharienne du Guir transportée d’urgence à Rich. Deux jours plus tard, il entraîne sa section à l’assaut des crêtes d’Aït Yakoub pour débloquer une unité de Légion encerclée depuis plusieurs semaines par les dissidents. C’est donc en Saharien confirmé qu’il est affecté au poste d’Aoufous où le lieutenant Lacomme lui passe le commandement.
En juillet 1930, revenant de permission en France, il est détaché au poste de Ksar es Souk dans un emploi purement administratif. Ce Saharien accepte mal sa situation; le dégoût comme la colère sont mauvaises conseillères et dès lors son destin va s’accomplir.
Dans une reconnaissance offensive qui va partir de Tarda le 29 août 1930, dans la nuit, pour razzier des campements dissidents, 30 km plus à l’Ouest vers le Bou Leggou, Chauvin n’a primitivement aucun rôle prévu. Il demande alors avec insistance d’accompagner comme adjoint le capitaine G... qui va diriger l’action. Le commandant P... qui le connaît bien, accepte de le voir sortir, pour cette journée, de son bureau.
Chauvin est aux côtés du capitaine G...; le repli s’effectue en combattant en ordre à gauche (33e Goum) et au centre (compagnie montée); mais à droite les éléments mobiles se sont évanouis et la Légion risque d’être débordée. Chauvin voit le danger; il rassemble quelques mokhaznis à cheval de l’escorte et s’en va faire flanc garde à droite, de crête en crête pour retarder l’ennemi qui talonne la colonne. Il réussit un premier décrochage; au second, sa troupe se disperse sous le feu; au troisième, il est seul à résister avec Saïd ou Khenchouch, mokhazni berbère d’Aoufous, qui ne veut pas laisser seul son ancien chef. Se levant pour remonter à cheval, devant l’ennemi tout proche, une balle l’atteint à la tête, une autre tue son cheval. Saïd réussira à s’échapper à pied.
La mort de Chauvin demeurera ignorée des autres unités droit devant elles. Il meurt en enfant perdu, ayant fait sa flanc garde, et son sacrifice volontaire a écarté pour la compagnie montée tout danger de débordement.
Le 15 janvier 1931, une section de la Compagnie Saharienne du Ziz occupait la gara qui surplombe, face à Taouz, le puits de Megheimine. Le lieutenant Louis de Penfentenyo, qui était venu prendre la place de Chauvin muté à Ksar es Souk, construisit en ce lieu un petit poste de pierres sèches qu’il baptisa “Poste Chauvin”, sentinelle du souvenir.
1933-1936. Le lieutenant de Furst dans les Kem Kem

Source : Revue Koumia n°169, 2003

Fin 1933, en bordure du Sahara, quelques groupes d’Aït Khebbache continuent à mener la vie qu’ils connaissent depuis des temps immémoriaux. Marcheurs infatigables, il surgissent là où on ne les attend pas à plusieurs centaines de kilomètres du lieu de leurs derniers exploits, pillant et rançonnant les tribus sédentaires de la vallée du Drâa et du Tafilalet. Ils ont une zone de refuge au Sud, la région des kem Kem très inhospitalière avec seulement quelques points d’eau.
Le colonel Trinquet, commandant les Confins algéro-marocains compte sur la compagnie saharienne du Guir pour venir à bout des derniers Aït khebbache et intervenir dans les Kem Kem à partir de sa garnison de Taouz. L’annonce de la future dissolution de cette unité fait que les opérations engagées n’aboutissent à rien.
Trinquet confie alors cette mission au 25e Goum du capitaine de Latour et chef de l’annexe de Goulimine. L’adjoint du capitaine est le lieutenant de Furst. L’opération va alors duré pendant sept mois de novembre 1934 à mai 1935. Au départ de Goulimine, de Latour emmène 75 partisans Aït Atta et Tseghrouchen et 60 goumiers du 25e Goum. Ils sont transportés par camions sur 600 km de piste jusqu’à Tagounit dans le coude du Drâa, point de départ de la mise en place de l’action pédestre dans les Kem Kem. Le détachement est renforcé par une section du 20e Goum et une section du 44e Goum ainsi que d’un Makhzen issu de la Compagnie Saharienne dissoute, commandée par le lieutenant De la Ruelle des A.I.
De latour dans l’obligation de rejoindre Goulimine pour s’occuper de son annexe, dans un isolement total, de Furst ratisse la région sans jamais arriver à anéantir ou capturer les dissidents. C’est un travail sans gloire mais très efficace qui permet, au prix de sacrifices physiques et moraux importants, en occupant tous les puits, de pousser les derniers irréductibles, à bout de résistance, à rejoindre individuellement leurs tribus d’origine ou à préférer demander leur soumission au commandant du 40e Goum.
Avec une telle expérience on confia tout naturellement le commandement du 16e Goum à Assa, l’un des deux goums sahariens, au capitaine de Furst. Auparavant, il avait été nommé chef du bureau de Taouz à la fin de la mission pour pouvoir suivre l’évolutions de la situation dans les Kem Kem jusqu’en 1936, année où il sera inscrit au tableau d’avancement.
Le lieutenant de Furst termina sa carrière comme général.

Les compagnies sahariennes de la Saoura
et les confins maroco-algériens

La région du Tafilalet entre Bou Denib et Zagora, qui semble aujourd’hui si paisible malgré la présence de la frontière, a été pendant longtemps le domaine de repli des rezzous qui pillaient les oasis de la Saoura et harcelaient les postes français du Sahara algérien.
L'agitation politique née de la guerre cesse avec celle-ci et dès la fin de 1918 le Sahara algérien rentre dans l'ordre. Seuls les confins marocains seront sillonnés de rezzous jusqu'à la pacification de l'Empire chérifien et la soumission des grandes tribus nomades. C'est à reconnaître à fond cette région, tout en y réprimant le brigandage, que vont s'employer les compagnies sahariennes de la Saoura.
Razzia dans le jebel Zourg. En mars 1919, le groupe mobile de la Saoura, sous les ordres du lieutenant Bedel opère dans l'Oued Guir entre Igli et Méridja où les dissidents se sont montrés entreprenants. Le mois suivant, ce groupe est en tournée dans le nord de l'Erg Er Raoui où il va s’abreuver à Hassi Beraber; il y remarque des traces récentes allant vers les Kem-Kem, il les suit. Le 28 avril, à une heure environ au nord-ouest de Zerzour, il trouve des campements installés au pied du jebel Zourg qui reçoivent le détachement à coups de fusil. Le lieutenant répond aussitôt, met les Berabers en fuite et razzie les troupeaux. Dans la nuit, les Berabers font un retour offensif pour reprendre leurs troupeaux, mais ils sont repoussés. Le groupe mobile se retire, emmenant un butin important : mille deux cents moutons et chèvres, quinze chameaux et quinze ânes.
Reconnaissance dans la Daoura et les Kem-Kem. En mars-avril 1924, le peloton du lieutenant Pigeot (compagnie de la Saoura) parcourt toute la vallée de la Daoura : Hassi Chaamba, le Mahjez, Bou el Adam, Chefaïa, Erg Mghiti, Oudika, Zegdou, Hassi Smara et dresse une carte détaillée de la région parcourue. A peine rentré à Tabelbala, il repart avec le peloton Bonafos sous les ordres du capitaine Ressot. Le groupement traverse la Daoura et, dans la difficile région des Kem-Kem, une patrouille, commandée par le maréchal-des-logis de Bonnault, est accueillie à coups de fusil par des campements. Une importante razzia est faite sur les troupeaux de ces dissidents. Puis les pelotons se séparent, celui du lieutenant Pigeot rentre à Tabelbala avec le capitaine Ressot. Un mois après cette tournée de police, les Aït Allouane demandent l'aman.
Reconnaissance vers l'Oued Draa. Du 24 janvier au 10 février 1926, le lieutenant Pigeot effectue une tournée dans l'Oued Daoura et pousse jusqu'à Zegdou ou il prend contact avec des Arib et des Ait Allouane. Plus à l'Ouest encore, presque jusqu’au coude du Draa, il fait mander le kebir des Arib, Si Mohamed ould Sidi Khalil. Bien qu'insoumis encore, le chef de tribu se rend à l'appel du lieutenant qu'il vient saluer. De cette tournée importante du double point de vue politique et topographique, le groupe mobile rentre le 10 février.
Opérations dans la région de Taouz - le combat du Maïder. Le 22 février 1931, la compagnie de la Saoura sous les ordres du capitaine Ressot quitte la région de Tabelbala, articulée en trois pelotons, pour prendre part aux opérations dans la région de Taouz et du Maïder. Le 19 mars, après une marche forcée, la compagnie prend contact avec un important campement d’Irjedan dissidents. Ceux-ci doivent de n'être pas anéantis à la généreuse offre d'aman qui doit leur être faite et qui enlève le bénéfice de la surprise. Les dissidents répondant aux avances par des coups de feu, le combat s'engage. Après une énergique défense, les Berabers doivent abandonner leurs campements et laissent sur le terrain plusieurs morts, des prisonniers et des armes.

Opérations au Tafilalet. Du 5 janvier au 15 février 1932, la compagnie de la Saoura participe aux opérations du Tafilalet où elle arrive par l'Oued Daoura et Taouz. Elle prend part à l'investissement de la palmeraie et à la prise de Rissani puis se porte sur les ksour de Hafira et Touzalait. Quelques dissidents s'opposent à son avance ce qui donne lieu à une escarmouche. En avril, le groupe mobile participe à une opération de police vers Remlia et Tazagount.

Opérations du coude du Draa.
Sous les ordres du lieutenant Pigeot, passé capitaine, la compagnie de la Saoura prend part avec trois pelotons aux opérations du Mhamid et du Ktaoua. Un goum méhariste lui est adjoint. Par la Daoura et Tinjoub, elle arrive au coude du Draa le 15 novembre. Elle participe à l'investissement de la palmeraie et se distingue, spécialement du 16 au 22 novembre. De nombreux campements insoumis fuyant la zone des opérations retraitent vers le Sud dans la zone désertique. Lancée à leur poursuite, la compagnie les harcèle sans répit durant sept jours jusqu'à Igma et Rtemi. Elle revient avec d'importantes prises après avoir infligé aux dissidents une sévère leçon. En mars 1932, le capitaine Ressot, qui commandait la Saoura depuis neuf ans, a été affecté à l'Etat- Major du 19° Corps, puis à l'Etat-Major du Groupe des Unités sahariennes de l'Ouest. Il devait être tué glorieusement le 5 août 1933 au combat du jebel Kerdous dans le Haut-Atlas. Le capitaine Ressot est resté dans la mémoire des Sahariens comme une des plus pures figures d'officiers méharistes, son nom fut donné au bordj de Tindouf.
Première participation de l'aviation pour la poursuite d’un djich. Le 8 janvier 1933, le groupe mobile de la compagnie de la Saoura quitte Tabelbala avec mission de reconnaître une piste automobile entre Zegdou et Zguilma. Le 16, à Zegdou, arrive la nouvelle qu'un djich venant de l'Ouest a l'intention d'opérer dans la Daoura. Le groupe mobile sous le commandement du capitaine Pigeot revient vers la Daoura pour en fouiller toute la vallée. Le djich a la chance de recouper le premier les traces fraîches des Sahariens. Se sentant recherché, le djich fuit à vive allure non sans avoir pillé près de Bou el Ladam un campement Arib. La compagnie recoupe à son tour les traces du djich seulement le lendemain. Le lieutenant Rondet envoyé en poursuite avec son peloton doit bientôt renoncer à atteindre les pillards dans les limites imposées à la compagnie. L'aviation réussit à repérer et à bombarder le djich.
Les poursuites de djichs. Un djich ayant opéré le 25 décembre 1933 près de Taouz, le groupe mobile de la Saoura reçoit l'ordre de dresser dans la journée du 26 des embuscades aux principales issues du massif des Kem-Kem. Le 27, le capitaine Pigeot exécute, seul en automobile, une reconnaissance. Il recoupe ses traces fraîches du rezzou qui se dirige à toute allure vers l'Ouest. Les pillards ayant cent cinquante kilomètres d'avance, il ne peut être question de les poursuivre. En janvier 1934, alors que le groupe mobile nomadise dans la Daoura, la nouvelle parvient qu'une caravane, passée la veille au camp des méharistes et se dirigeant vers Tabelbala a été attaquée, près des Gour Mouhani. Le peloton du lieutenant de Fraguier part aussitôt de Chefaïa, recoupe les traces près d'Hassi Chaamba et parvient à rejoindre le djich près de Tinfouchy après une poursuite a vive allure de trente heures. Malheureusement plus de la moitié des méharis, très fatigués, n'ont pu suivre. Les vingt-cinq fusils qui arrivent au contact du djich bien retranché suffisent a donner l'avantage mais non une issue décisive au combat. Le maréchal-des-logis Hakoum qui a mission avec dix hommes de manœuvrer l'ennemi par le Sud est tué, un autre méhariste blessé. Une partie des animaux de prise est récupérée. Les montures que l'ennemi a gardées, entravées près de lui, sont mitraillées. A la nuit le combat cesse; avec l'encombrement des prises, la poursuite n'est pas possible.

Participation aux opérations de l'Anti-Atlas.
Le 5 février 1934, les trois pelotons de la compagnie de la Saoura, toujours sous les ordres du capitaine Pigeot, partent de l'oued Daoura pour se rendre par la Hamada du Draa dans la région d'Akka, base de départ des opérations de l'Anti-Atlas. Après dix-huit jours de méharée, la compagnie arrive le 23 février à Igdi, au sud-ouest d'Akka et fait jonction avec la compagnie saharienne marocaine du Haut Guir. Elle forme avec elle pour la durée des opérations le sous-groupement saharien. Le 25, celui-ci est chargé d'occuper le passe de Foum el Hasn, une des cluses du jebel Bani, tandis que la colonne motorisée prononce son action sur Icht. Lorsque le sous-groupement se présente devant Foum el Hasn, des dissidents qui occupent les pentes du Bani ouvrent le feu sur la compagnie et particulièrement sur le peloton Rault au Nord du dispositif. Le capitaine Pigeot fait mettre pied à terre et prendre les dispositions de combat puis la compagnie gravit les pentes de la montagne. L'ennemi abandonnant sa position s'enfuit dans le jebel. L'occupation du village et de la palmeraie d'Imi n'Ougadir se fait ensuite sans incident. Le 1er mars, le sous-groupement auquel est adjoint un escadron d'automitrailleuses du 1er régiment étranger de cavalerie reçoit la mission de marcher sur Assa pendant que la colonne motorisée, par le Nord du Bani, continue sa progression vers Tarhjicht et Goulimine. L'escadron du 1er R.E.C. est retardé par le terrain difficile; la compagnie de la Saoura parvient la première devant Assa et reçoit la soumission du ksar (2 mars). Le capitaine Pigeot y reçoit l'ordre de ratisser toute la vallée du Draa jusqu'à la mer, afin de couper la route du Rio de Oro aux dissidents Aït Khebbache et Aït Hamou que poursuit la colonne motorisée du colonel Trinquet. A partir de ce jour la compagnie ne se déplace plus qu'à pied en raison de l'état des montures dont plusieurs doivent être abandonnées. Le 10, après cinq jours de marche forcée dans un terrain montagneux très difficile, elle parvient au contact des Ait Hamou. Ceux-ci également rejoints par les unités motorisées venus du Nord font leur soumission ainsi que de nombreux Aït Khebbache. Le 12 mars, la compagnie de la Saoura opère sa jonction avec la colonne Trinquet à Chammar sur le Draa à quelques kilomètres de l'Atlantique. Le 20, à Goulimine, un détachement, remonté avec les trente meilleurs animaux, part pour Akka. Il participe au début d'avril à l'occupation de Tindouf, puis à la première liaison Algérie-Maroc-Mauritanie à Bel Gardane. Pendant ce temps, le reste de la compagnie regagne Tabelbala. Les montures sont si faibles que le retour (plus de mille kilomètres) se fait entièrement à pied. Jusqu'au Mahjez le détachement reconnaît la vallée moyenne du Draa puis par le Mhamid, Zegdou, la Daoura, rentre le 1er mai 1934 à Tabelbala. Ce sera la fin de ses interventions au Maroc.

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Remerciements

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