La route du Tichka

La kasbah des Aït Ben Haddou

Mis à jour : jeudi 26 novembre 2015 08:08

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Selon la tradition orale, la construction d’origine d’Aït Ben Haddou serait l’Ighrem n’iqqdarn (grenier des potiers). Elle aurait été construite au sommet de la colline par une reine berbère qui aurait gouverné les lieux jusqu’à l’avènement de l’Islam.


D’autres sources attribuent la fondation du lieu à un homme venu du désert, nommé Aïssa, d’où le nom de ses habitants : les Aït Aïssa (les descendants de Aïssa), et pendant longtemps le village s’est nommé Ksar Aït Aïssa.

L’appellation ksar Aït Ben Haddou est relativement récente. Elle daterait du début du XVIIIe siècle. L’ensemble des kasbahs a été construit par les Aït Aïssa au XIe siècle.
Les premiers habitants appartiennent à la tribu Aït Aïssa à laquelle appartient le clan des Aït Ben Haddou. L’Amghar Ben Haddou, dont le patronyme fut donné au lieu sept siècles plus tard, habitait l’emplacement actuel dès l’époque des Almoravides (XIe siècle).
Il est évident que le ksar de Aït Ben Haddou a été un des nombreux comptoirs de la route commerciale qui reliait l’ancien Soudan à Marrakech par les vallées du Drâa et de l’Ounila puis le col de Telouet ou du Tichka. On ne trouve aucune information sur la période allant du déclin des Almoravides à la prise du pouvoir par leurs successeurs jusqu’au règne récent de Hassan 1er.

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L’histoire récente commence en 1855. Le sultan El-Hassan 1er, lors de son passage dans l’Atlas, en revenant de Tafilalet nomme l’Amghar Mohammed Ibibd de Telouet chef suprême de la région, caïd des Glaoua, des Imerghan et des Aït Ouaouzguit. L’amghar Ali Ben Mohammed n’Aït Ben Haddou de Tamdakht lui oppose une résistance acharnée avant de se soumettre (voir Kasbah de Tamdakht).


Par la suite, les deux clans se rallient par mariage. Les trois frères Glaoui se marient avec trois filles Aït Ben Haddou et de ce fait le Sud s’ouvre aux Glaoua. Le clan des Aït Ben Haddou, se ralliant aux Glaoua et à l’administration du Protectorat, accède à de nouveaux pouvoirs.
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Les premières années furent difficiles pour Hammadi à Taourirt. Après le décès du Sultan Hassan 1er en 1894, les tribus de la région (Aït Ouarzazate, Aït Boudlal, etc.) assiègent la forteresse et le village durant deux ans. Le siège ne fut levé que grâce aux renforts arrivés de Telouet.

Le gouvernement de Hammadi Glaoui dura jusqu’en 1937 (date de son décès) grâce au pouvoir suprême de son frère le pacha Thami Glaoui et à la puissance militaire de son neveu le caïd Hammou Glaoui.La succession était revenue à Mohamed ben Hammadi jusqu’à 1939 puis à Si Boubker fils de Madani. En 1940, Mohamed El Mahdi ben Hammadi géra les affaires de Taourirt jusqu’à l’indépendance mais ses liens avec le Protectorat français ne manqueront pas de le desservir par la suite.
Les biens de Hammadi furent réquisitionnés puis distribués à la population, quelques-uns furent restitués aux héritiers au cours des années soixante.


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Aït Ben Haddou en 1930

 

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L'architecture des Aït ben Haddou


Simples et sans fioritures, construites sans jamais vraiment suivre un plan classique, les kasbahs des Aït Ben Haddou agrémentent le paysage depuis des siècles.

Les murs sont nus, le sol inégal et la décoration quasiment inexistante. Au rez-de-chaussée, on trouve généralement une cuisine : une petite pièce aux murs noircis, avec un four en terre pour la cuisson du pain et un autre feu, plus vif, à même le sol. Quelques rares ustensiles sont éparpillés dans un coin : une bouilloire noire à force d'avoir trop servi, un plat à tajine, une bassine en fer blanc, quelques plats ébréchés... A côté de la cuisine, une petite étable intérieure abrite une maigre vache pendant l'hiver.

Une porte sommaire ouvre sur une cour intérieure où une poule et ses poussins grattent le sol à la recherche d'un improbable ver de terre. Dans le coin de la cour, un escalier étroit, fait de marches irrégulières, mène au premier étage. Une grande pièce, éclairée par deux fenêtres protégées par des grilles torsadées et des volets de bois, est décorée par quelques images punaisées sur les murs. Au bout de la pièce, les nattes et les couvertures sont enroulées, en attendant la nuit prochaine. Les vêtements sont simplement accrochés à des clous plantés dans un mur. Un coffre en bois artistiquement travaillé, fierté de la famille, sert à la fois de rangement et de table : sur son couvercle trône un plateau avec théière, boîte à sucre, boîte à thé et quelques verres disparates.

A l'extérieur, une petite terrasse permet selon les heures de prendre le soleil ou de goûter à la fraîcheur de la soirée. Pour le moment, les zarbias (les tapis) y sont mis à aérer, suspendus à quelques fils distendus.
Le ksar des Aït ben Haddou a connu au cours de son histoire trois emplacements successifs dont deux existent encore actuellement conjointement. A l’origine, les maisons ont été construites, tout autour de l’agadir, grenier fortifié (ruines encore visibles) et abrités par un mur d’enceinte, en haut de la colline qui forme près de son sommet un palier en couronne: il s’agissait de se protéger des pillards, car la vallée de l’oued Mellah, route commerçante des caravanes entrant en pays glaoua pour franchir l’Atlas attirait des convoitises !

Vers la fin du XIXe siècle, les conditions de sécurité s’améliorant avec l’autorité de plus en plus grande des Glaouis successifs, les habitants commencent à construire en dehors de l’enceinte protectrice, sur le versant de la colline le moins pentu. C’est l’époque des kasbahs: à la protection collective offerte par l’enceinte du ksar succède la protection individuelle de la kasbah. Derrière l’écran de ces kasbahs, des maisons plus simples que l’on bâtit au fur et à mesure que les plus anciennes s’écroulent.

A partir de 1970, cette nouvelle génération d’habitations commençant à souffrir à son tour de l’âge, on décide de sauter l’oued et de construire sur la rive droite, au-delà des cultures, des maisons individuelles. C’est le village actuel (Issiroid) qui continue de se développer en remplacement de l’ancien gagné progressivement par le délabrement. Les autorités, conscientes de la valeur de ce chef-d'oeuvre en péril, ont réussi à le faire inscrire sur la liste du Patrimoine mondial de l’Humanité, protégé par l’Unesco.
Le village, où ne subsistent que quelques foyers, est un dédale de ruelles et de passages couverts. Le vieux ksar n’en reste pas moins une aubaine pour les cinéastes. L’Unesco a d’ailleurs prévu de faire démolir tous les ajouts apportés par les décorateurs de cinéma mais on attend toujours et les habitants ne sont pas tous d’accord...

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Qui peut fournir des renseignements sur ce peintre ?
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Le marabout de Sidi Ali ou Amer


Le plus connu des marabouts des Aït ben Haddou est Sidi Ali ou Amer dont le tombeau se situe au Nord-Est de la Kasbah (31°03,04’N - 07°07,78’W). La version moderne de son mausolée a été construite en 1976 sur une petite colline. La tradition orale concernant la construction du marabout d’origine avance deux versions: la première dit que le marabout a été construit il y a 300 ans.
Lors de son retour de La Mecque, El Hadj Haddou eut une vision où Sidi Ali ou Amer lui ordonnait de construire une coupole sur sa tombe. La seconde dit qu’un homme de Tikirt (Aït Baâli) avait un enfant paralysé. On lui conseilla de l’amener à Sidi Ali ou Amer. Celui-ci construisit une hutte près du tombeau du saint où l’enfant passa la nuit. Le lendemain il était guéri. Plein d’enthousiasme, le père de l’enfant vint chez les Aït ben Haddou et leur proposa de payer la moitié des frais pour élever le mausolée.
Quant à l’origine de Sidi Ali ou Amer, on trouve trois versions: l’une avance que le saint est venu de Tazarine n’Aït Atta pour entreprendre la guerre sainte contre les Portugais. Il y trouva la mort avec une centaine de ses compagnons et fut enterré sur place. L’autre version dit qu’il est venu de Tamgrout et s’est installé chez les Aït ben Haddou. Avant sa mort, il aurait demandé à ses proches de le mettre sur le dos d’une chamelle et de l’enterrer là où elle s’arrêterait. Quant à la troisième, elle avance que Sidi Ali ou Amer était originaire de la région d’Essaouira, ce serait donc, selon cette version, un saint Regragui.

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Les Aït ben Haddou célèbrent le moussem de ce marabout le deuxième samedi de juin. La djemaâ gère une caisse destinée au moussem, où chaque famille verse une somme d’argent. La somme recueillie sert à l’achat de deux vaches pour le sacrifice. La première est égorgée le vendredi près de la mosquée d’Issiroid, le nouveau village, de l’autre côté de l’oued; la viande est répartie entre les habitants. La seconde, qui doit entièrement être de couleur rouge, est égorgée le samedi devant le mausolée du saint. Sa viande est préparée le jour même sur place dans un espace entouré d’un mur en pisé composé de quatre compartiments séparés de murets auprès desquels se trouvent des petits fours utilisés chaque moussem. La viande est préparée avec des légumes et du couscous et est servie à tous les participants du moussem. Ensuite commencent les manifestations de danses aouach qui continuent durant la nuit à Issiroid.
Le saint est fréquenté pour solliciter sa baraka. Le jour du moussem, on commence la visite (ziyara) par la lecture de quelques versets du coran et de quelques louanges. Ces actes sont pris en charge par les tolbas qui reçoivent des offrandes des visiteurs et qui offrent également des bougies au saint; certains sacrifient un poulet ou un mouton. Le saint est visité par les femmes stériles et les jeunes filles désirant se marier. Les premières préparent ce qu’on appelle le maarouf. Elles visitent le saint le samedi et font du couscous au poulet, ces derniers étant égorgés par le frère ou le père de la femme stérile. Celle-ci se lave ensuite avec l’eau du puits situé près du marabout. Enfin, la femme stérile pose une poignée d’orge sur le tombeau du saint. Quant aux jeunes filles, elles prennent des foulards où elles nouent une poignée d’orge que chacune d’elles jette trois fois dans les assises des lobes de la coupole du marabout. Si le foulard y reste accroché c’est bon signe.
Le saint est également visité pour épargner des maladies ou pour trouver du travail. Entre le mausolée et le puits, se trouve un arbre appelé amrad, un épineux, le seul de son espèce dans la région, puisqu’il ne pousse que dans les régions sahariennes. Sur cet arbre, les femmes accrochent des touffes de leurs cheveux peignés pour guérir les maux de tête. D’autre part, celui qui veut se venger d’un ennemi, prend une épine de l’épineux qu’il enfonce dans le mur de la maison de ce dernier. A proximité du marabout de Sidi Ali ou Amer, se trouve un autre saint appelé Sidi Tayeb ou Lehbib dont le tombeau est entouré de quatre murs de pierre en ruines. Les gens disent qu’il ne supporte pas la toiture qu’on y met : une fois construite, elle finit par s’effondrer.

 

Juifs


Dans les environs du marabout, on trouve deux cimetières: au Nord, à deux cent mètres, les restes de l’ancien cimetière juif assez vaste (31°03,25’N - 07°07,80’W); et au Sud-Ouest, le cimetière musulman. Autrefois, ce dernier était divisé en parcelles dont le nombre était équivalent aux ikhsans des Aït ben Haddou. Ainsi chaque famille ne pouvait enterrer ses morts que dans la partie qui lui appartenait.
Le cimetière juif, deux cents mètres au Nord du marabout de Sidi Ali ou Amer, s’étend sur environ cent cinquante mètres sur la terrasse d’un petit oued. Les très nombreuses tombes, dont les dernières sont déjà d’une période ancienne, sont délimitées par des pierres dressées. Nombreux tessons de poteries anciennes ou vernissées.


Les voyageurs aux Aït ben Haddou

 

Chatinières Paul Dr. Extrait de : Dans le Grand Atlas marocain. Extraits du carnet de route d’un médecin d’assistance médical indigène 1912-1916. Éditions Plon 1919.
Visite aux Aït Zineb et à Aït Aïssa (Aït ben Haddou d’aujourd’hui)

Bien que classé comme village rebelle, les habitants d’Aït Aïssa n’hésitèrent pas a demandé au khalifa que le docteur vienne dans leur vallée vacciner et soigner les malades.
Je traversai avec ma caravane un désert sablonneux d’abord, puis montueux et recouvert de galets plats. Il n’y avait pas de pistes. Mes guides allaient seulement guidés par leur instinct. Un vent violent et froid descendu de l’Atlas nous criblait de sable. Pas un voyageur. Quelques gazelles détalaient à notre approche.
“Après quatre heures d’une marche monotone, on atteignit la vallée des Aït Zineb près de l’agglomération d’Aït Aïssa. Dans une boucle de l’oued, sur les pentes d’une petite colline pointue, des tirremt élégantes se pressent en gradins, entourées d’un mur élevé qui assure leur défense.
“Le cheikh de l’endroit était un autre beau-frère du caïd Si el Madani. Trop familier et manquant de tact, il faisait tache parmi mes hôtes habituels. Du sommet de la colline, le regard suivait la rivière aux eaux bleues, serpentant parmi d’interminables plateaux arides et déserts, inondés d’une lumière éblouissante.
” 

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André Armandy. Extrait de : Hommes de roc, Forteresse d’argile. Librairie Alphonse Lemerre 1936
Voyage effectué probablement en mai 1934.
C’était à trente kilomètre du but, un ksar curieux, dont le soleil couchant accusait durement les arêtes cubiques, accrocha au loin ses méplats au flanc d’une colline abrupte. C’était une sorte d’étrange place forte hérissée de tours effilées, flanquée de murs épais, dont la structure s’étageait sur la déclivité de la montagne rocailleuse, et qu’entourait du repli de son coude un oued descendu de l’Atlas.
Les tours, en forme de pylône, hissaient haut vers le ciel leurs pans obliques et s’achevaient en étroites terrasses à créneaux angulaires sur lesquels nichaient des cigognes. Leurs épaisses parois étaient chichement ajourées de hautes barbacanes. Des arcatures borgnes, ornementées de frises symétriques, soulignaient leur couronnement. Et toute cette décoration était imprimée dans la terre, car ces étranges forteresses d’argile étaient pétries du limon du torrent.
Aucun chemin n’y conduisait. Il fallait, pour y accéder, franchir l’oued à dos de mulet. Faute de quadrupède, un indigène nous le fit franchir à dos d’homme, car son lit était aussi large que peu profond.
Point de rues : d’étroites venelles qui se coulaient dans l’ombre des grands murs; des raidillons rugueux dont les lacets escaladaient la pente et, condamnant l’accès de chaque enceinte, d’énormes portes faites de madriers noueux, à peine équarris, mais bardés de clous et patinés de crasse séculaire. Sur la crête de chaque mur, le parapet de chaque tour, une vieille marmite de terre hors d’usage et noire de suie conjurait les maléfices des esprits...
Le jour déclinait. Nous devions arriver avant la nuit à Ouarzazate où nous entrions de nouveau en zone d’insécurité. Force nous fut de refuser le thé traditionnel que voulut nous offrir le cheikh. Lorsque notre bac à deux pieds nous eut déposés de l’autre côté du torrent, les derniers rayons du soleil faisait flamber les murs desAït Ben Haddou, cette Carcassonne africaine...


Michel Bataille. Extrait de : La marche au soleil. Ed. Robert Laffont

Dans le matin, la kasbah de la tribu des Aït ben Haddou se dresse à l’écart des routes. La piste étroite a été emportée par les pluies, coupée sec, si bien qu’on laisse la voiture et on continue à pied.
Au bout d’une sentier écrasé de traces de chameaux, le ciel chargé d’immenses nuages blancs échafaudés en tourbillons de lumière immobile nous découvre, à un tournant, notre but : un enchevêtrement de tours rouges accolé à la montagne.
Cette kasbah nous administre, dans son silence ténébreux, la grande leçon de la vérité antérieure. C’est une forteresse assyrienne, un fort gardantNinive, ou quelque poste babylonien aventuré sur les marches de la steppe. Les tours, légèrement pyramidales, de plan carré, se décorent à leur faîte d’abstractions barbares. C’est là, sous la musique monocorde de quelque violon mongol, la cérémonie figée du monde irrationnel.
Au fond de la vallée, coule l’oued. Je renverse d’un coup de hanche un mur de terre pour y descendre. Là-bas, un troupeau de moutons. Plus près, des femmes lavent du linge. Des hommes à têtes deKirghizes , enturbannés d’un écheveau de laine noire, portant djellaba bleu sombre et poignard, nous regardent. Du maïs pousse dans le plat de la vallée. Oui ! c’est bien là le monde barbare, celui que de laGrèce classique a réfuté, mais qui vit encore.
Pas de siècle; dans la concavité de la protohistoire, le cours des planètes, appréhendé par des regards différents, préside à la similitude éternelle. Les fils, habillés, comme leurs pères, depuis dix mille ans, épousent des filles qui, nécessairement acceptent, et le blé germe ainsi dans une détermination absolue. C’est le monde non euclidien, où les parallèles se rencontrent, arachnéennes, sous la courbure inépuisable du ciel gris.
Parler de liberté eût été dément. une république préside la vie berbère, mais peut-être les chevaux sauvages s’y plient-ils aussi ? Il y a quelques  années encore, avant la France, ces hommes faisaient la guerre, s’entretuaient irresponsablement sous la basse nuit, comme les faucons meurent sous l’orage.
L’air trop pur augmente l’éloignement. De là-bas le ksar se dresse comme une forteresse sacrée. D’ici ses murs s’éboulent, qu’on refait chaque année d’argile. Des femmes avec des cruches dans une lenteur disparue, - l’une est de race noire, descendante d’esclave -, viennent à l’oued puiser cette eau que j’ai goûtée et qui n’est pas buvable.

Un homme enjambant les séguias nous emmène prendre le thé chez lui. La cour : de la paille, des poules, le désordre du palais d’Ulysse. On but au haut de la tour, par des fenêtres petites et carrées, on envisageait la lumière blanchissante des quatre directions cardinales de l’espoir. Notre hôte a travaillé dans les villes, d’où le peu d’argent dont il vit, qu’il renouvelle l’heure échue. Il y a de l’eau dans la vallée nous dit-il, du mil, enlé, en chleuh, dit-il, du maïs, des légumes, “de tout”, dit-il. Avant, il n’y avait pas d’eau, d’où la famine, dit-il. S’il y a de l’eau à l’oued, c’est qu’il pleut. S’il pleut, les grandeskasbahs tiennent, mais les “petites maisons pauvres” fondent à la rivière, dit-il. On meurt, noyé dans la richesse. Sinon on meurt de faim, mais aussi au soleil...

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Oeuvre du peintre Georges Scott
Revue l'Illustration


Etude sur Aït Ben Haddou

Source : Cette étude sur l'histoire de cette kasbah est issue de deux textes dactylographiés dont on m’a communiqué les photocopies et qui ont été produits au début des année 90. Ces textes ne comportent aucune information sur la personne ou l’organisme qui en sont à l’origine. L’orthographe des mots arabes et berbères est reproduit tel quel. Nous avons également gardé les sujets développés après 1956.
Le cadre physique
Le village d’Aït Ben Haddou se situe au Nord-Ouest de Ouarzazate à une trentaine de kilomètres. L’altitude y est relativement élevée; dans l’assif Marghen elle atteint 1259 m et sur les collines qui le dominent 1312 m.
Le village se situe dans la partie Ouest du bassin de Ouarzazate qui est une dépression entre le Haut et l’Anti Atlas. Il est traversé par l’assif Marghen et son confluent l’assif Aounil (1) et par l’assif Imini qui prennent leur départ dans le Haut Atlas. Quant à l’assif Iriri qui traverse également le bassin, il prend sa source dans l’Anti Atlas.
A l’Ouest, l’assif Marghen est bordé par des collines de forme longitudinale Nord-Sud appelées Asadous. Le village est limité au Nord par un ensemble de plateaux dont Bouymarghad au Nord-Ouest et Tachoukcht au Nord-Est. A l’Est, il est limité par des collines dont Adrog et Afella n’Ifri.
Plus on monte vers le Nord, plus la vallée devient profonde. Au confluent de l’assif Marghen et de l’assif Aounil, l’altitude atteint 1343 m. Au Nord de Tizgui n’Barda, la profondeur de la vallée est de 245 m alors qu’elle n’atteint qu’environ 70 m à Aït Ben Haddou. A partir du confluent, la vallée s’élargit, l’érosion s’accentue et le lit de l’assif Marghen gagne sur les terrains cultivés.
Toute la région est entourée de petits ravins qui forment des petits cours d’eau saisonniers. L’écoulement de l’assif Marghen s’arrête pendant trois mois d’été et les séguias (tireggwin) sont alimentées par des sources qui jaillissent sur les bords de l’assif. En hiver, par contre, les eaux sont abondantes et entraînent parfois des inondations qui font des dégâts, exemple le pont de Tamdakht qui fut détruit par une crue en 1988.
D’autre part, l’assif Marghen traverse une région qui, au niveau géologique, est constituée de marnes gypseuses d’où l’abondance des gisements de sel le long de l’oued et d’où le toponyme “assif Marghen” qui signifie “l’oued salé”; de plus une grande mine de sel se trouve à Amassine, près de Telouet. En 1967, la salinité de l’eau de l’assif a atteint entre 1250 et 1500 mg/l; en 1972, entre 2,7 et 3 g/l mais en 1985, à cause de la sécheresse, elle s’éleva à 5g/l.
Les précipitations sont faibles et irrégulières tant au niveau spatial que temporal. Pendant le printemps et l’automne, les pluies s’intensifient (orages et averses) tandis qu’en été et en hiver elles diminuent. La moyenne annuelle de la pluviométrie est de 124 mm. Les pluies ne durent parfois que quelques jours ou même quelques heures.
Site et situation du village
Situé au pied du Haut Atlas, sur l’ancienne route des caravanes qui reliait le Drâa et le Tafilalet à Marrakech par le Tizi n’ou Aglaou (Tizi n’Telouet), Aït Ben Haddou joua jadis la fonction d’un comptoir commercial très actif. L’arrêt de cette activité, le passage de la route principale qui relie dorénavant le Maroc méridional au Maroc septentrional, à presque 7 km au Sud du village, la perte de sa fonction comme pôle du pouvoir, ont entraîné sa décadence.
La période florissante a laissé un ensemble architectural accolé du côté sud à une colline dont il épouse la forme. L’habitat, bien exposé, prend la forme d’un gradin en s’étageant au dessous de l’ancien igherm (probablement le grenier qui occupe le sommet de la colline avec son ancien rempart) et crée un paysage urbain dans lequel domine les tours des kasbahs. Cet ancien noyau se trouve séparé du nouveau par le large lit (50 à 150 m) qu’occupe l’assif Marghen (ou oued el Maleh).

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Photo des années 30 présentée sous le nom d'Aït Zineb


L’évolution historique
L’ensemble des Aït Ben Haddou remonte probablement au début du XVIIIe siècle selon un document officiel du Ministère des Affaires Culturelles (présenté à l’Unesco pour l’inscription du site sur la liste du patrimoine mondial). La tradition orale parle d’un ancien Igherm n’Iqadern entièrement détruit sur la colline. On y voit encore des remparts, les tours et les restes d’une bâtisse au centre, mais le mot Igherm peut prêter à confusion. S’agit-il d’un igherm tout simplement ou l’appellation donnée pour un village ? (seule une recherche archéologique pourrait confirmer l’un ou l’autre ou les deux à la fois).
D’après la légende, cet igherm serait le lieu où présidait une princesse berbère juive qui gouvernait jusqu’au Souss. A l’arrivée des musulmans, elle se serait enfuie après avoir combattu et brûlé les récoltes.
La personne la plus âgée du village parlait aussi d’un ancien cimetière à Issiwid comme preuve d’un ancien emplacement du village, la déclaration est confirmée par la présence de deux sanctuaires sur la place.
Un autre indice important concernant l’ancienneté du village est révélé par l’importance et l’extension du cimetière juif au Nord-Est de l’ancien village. Les habitants parlent d’une légendaire princesse juive qui y serait installée avant l’arrivée des musulmans. Chose sûre, c’est que les juifs habitaient Aït Ben Haddou jusqu’à la fin des années cinquante.
L’ancien noyau d’Aït Ben Haddou aurait donc bien été fondé avant le XVIIIe siècle. Un témoignage laissé par l’ancien adoul du village, décédé en 1988, parle d’une fondation par les Aït Aïssa ou Hmad, fraction de la grande tribu des Aït Zineb, confédération des Aït Ouaouzguite, qui serait datée du XIIe siècle. Selon la tradition orale, l’ancien village occupé par les Aït Aïssa aurait été construit sur la rive ouest de l’assif Marghen, c’est-à-dire sur l’emplacement du nouveau village actuel, Issiroid.
Aït Ben Haddou, comptoir situé sur l’ancienne route des caravanes, jouait un grand rôle dans le commerce saharien. Les Aït Aïssa, profitant de leur position stratégique, ne manquaient pas à l’occasion d’y semer le désordre. Le sultan Youssef ben Tachfine, probablement vers la moitié du XIe siècle, ordonna à l’Amghar Ben Haddou de s’y installer pour faire régner l’ordre. C’est ainsi que cette famille aurait imposé ses pouvoirs à la communauté Aït Aïssa qui refusèrent d’abord d’habiter sur l’autre rive près de Ben Haddou. Le cheikh Ben Naceur de Tamgrout les aurait alors sollicité pour qu’ils acceptent. Pour cela, on dit qu’il frappa le sol à coup de bâton pour que les serpents et autres animaux venimeux disparaissent du lieu.
Une tradition orale avance que la région aurait été occupée par les Portugais qui auraient construit l’Igherm n’Iqadern et creusé le puits qui se situe près de la tour septentrionale de l’igherm.
Suite à la destruction de la kasbah par un certain Azeroual (l’homme aux yeux bleus, probablement un chrétien), celle-ci aurait été abandonnée pendant sept ans. Les habitants y revinrent sur l’insistance du cheikh Ben Naceur de Tamgrout. Deuxième intervention de ce cheikh; est-ce un recoupement avec la première version ?
Chose toujours anachronique, c’est la construction des plus anciennes kasbahs (Aït Abdelkhaled el Houcine ben Abdellah, âgé de 90 ans déclarant ne rien savoir de la date de leur construction) et l’apogée du clan Aït Ben Haddou qui, probablement coïncide avec la période de l’alliance avec les Glaoua (première moitié du XIXe siècle).
En fait, la région est surtout marquée par l’avènement des Glaoua à Telouet vers 1855 (2); l’Amghar Mohamed Ibibd, exerçant le commerce du sel dans la haute vallée de l’Ounila, devient le chef de la tribu. Il participe à la perception des impôts dans le Drâa et au Sud du Siroua. Son fils, Si el Madani, très ambitieux, développe alors une politique d’expansion vers le Sud par le biais d’une politique d’alliance et de mariage et s’établit à Taourirt de Ouarzazate.
Moulay Hassan 1er, lors d’un passage dans l’Atlas, en revenant du Tafilalet, le nomme Khalifat pour le Todgha, le Tafilalet et la Feija. L’Amghar Ali ben Mohamed n’Aït Ben Haddou de Tamdakht lui est soumis après une résistance acharnée. En 1889, ce dernier est décapité publiquement par El Madani et ses terres deviennent la propriété du vainqueur. Les notables de Ouarzazate préfèrent alors “négocier avec le gardien du col par où passent nécessairement leurs marchandises” (3).
Par la suite les Glaoua et les Aït Ben Haddou s’allient par mariages, les frères Glaoui : Madani, Thami et Hassi se marient avec trois filles Aït Ben Haddou (3) et de ce fait le Sud est ouvert aux Glaoua.
La famille Ben Haddou, alliée au Glaoui et à l’administration du Protectorat, s’accapare ainsi des pouvoirs nouveaux et accumule les biens du village entre ses mains.
Le nom d’Aït Aïssa ou Hmad, symbole d’origine, fut définitivement remplacé par celui d’Aït Ben Haddou. Néanmoins, le nom d’Aït Aïssa restait encore vivant; en 1936 : un recensement général des A.I. parle de la fraction des Aït Aïssa.
La reconstitution des faits n’apprend rien sur les successeurs d’Ali Ben Mohamed assassiné à Tamdakht, cependant la tradition orale fait part, au temps de Moulay Youssef et de ses successeurs, des noms suivants : Amghar Mohamed, Amghar Haddou, Amghar Ahmed, ensuite Amghar Mohamed ben Haddou, tué par Mohamed ben Ali ou Hammou Aït el Houcine, et enfin l’Amghar Brahim ben Hsaïn qui a vécu jusqu’à l’indépendance.

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Une architecture hors du commun
Une énigme reste la relation entre Ali ben Mohamed n’Aït Ben Haddou, connu à Tamdakht, et le reste du clan des Aït Ben Haddou ?
A quelle époque de l’histoire du clan, les kasbahs ont été construites ? Est-ce pendant l’apogée du clan avant la fin du XIXe siècle ? ou après l’alliance avec les Glaoua ? En tout cas, le manque de similitude entre le château de Tamdakht et les châtelets d’Aït Ben Haddou, et surtout, le dernier construit par l’Amghar Brahim ben Hsaïn est une chose qui intrigue. Il est un fait qu’une nette différence architecturale se dégage entre les châtelets d’Aït Ben Haddou et l’ensemble de l’habitât miniature qui forme le tissu du site.
L’histoire mouvementée des Aït Ben Haddou a légué une architecture originale et un cadre d’habitation très complet et complexe. Ce cadre reflète une formation sociale et une organisation socio-spatiale hiérarchisée. Les éléments de cette formation sociale sont : le clan Aït Ben Haddou avec ses rameaux Aït Hamd et Aït Ougourram. Il est sans équivoque le clan le plus puissant, ensuite viennent les quatre lignages Aït Aïssa qui prétendent être les anciens habitants du village : Aït Bahaddou, Aït Lahsaïn, Aït Ali ou Hamad et Aït Ali ou Aït Saïd. Ces lignages ont été longtemps asservis. En dernier lieu arrive une communauté juive dont la présence est attestée jusqu’à la fin des années cinquante.
La projection socio-économique de ces trois strates sur l’espace habité était facilement saisissable : les châtelets formaient l’habitat des gens au pouvoir, le mellah celui de la communauté juive, alors que les maisons pauvres formaient le cadre habité par la masse des sujets : Aït Aïssa et les serviteurs des Amghars.
L’ancien cadre habité
L’habitat est par excellence le reflet fidèle de l’environnement socio-économique, politique et naturel dont il émerge. L’ancien habitat Aït Ben Haddou est accolé au versant sud d’une colline comme pour éviter les vents de la montagne en s’exposant au soleil.
Le climat d’insécurité, d’instabilité perpétuelle qui régnait permet de comprendre l’aspect défensif de toutes ces constructions. Ce climat se reflète dans le site, dans les techniques de construction, dans les fonctions même des édifices (tours de garde, grenier, remparts, etc.).
La position stratégique sur la route commerciale entre la zone du Sud et les villes du Nord, les litiges pour les points d’eau et les pâturages expliquent la forme groupée, facile à défendre des maisons. Le choix du site est très significatif car, il permet à la fois de surveiller les routes, les zones de cultures, les prises d’eau et de se défendre contre l’ennemi potentiel. Les maisons pour mieux affronter les dangers extérieurs se sont groupées, entassées et accolées peureusement les unes aux autres. Les murs extérieurs sont aveugles, les remparts sont élevés et les accès sont contrôlés. Le ksar a trois grandes portes, celle d’Imi n’Ighrem, celle d’Imi n’Talat n’Tighoura et celle d’Imi n’ou Azerg Aït Ben Haddou. Toutes ces portes sont gardées et fermées la nuit.

 

At_Ben_Haddou

 

L’espace ksourien est divisé théoriquement en deux sous espaces : l’espace collectif et l’espace privé.
* Le premier est formé par les espaces se situant immédiatement à la frange Est du village : il se constitue des aires à battre, de deux cimetières (juif et musulman), et par des espaces internes telles que la maison des hôtes, la grande place réservée aux fêtes du douar, à l’accueil des convives passagers, des groupes de caravaniers et de marchands ambulants. La mosquée avec sa morgue, son puits, son école coranique représente un lieu de grand intérêt pour tous les habitants du douar, de même les ruelles et les labyrinthes qui relient les quartiers et les maisons. L’entretien de ces espaces publics et de ces édifices communautaires est assuré par la collectivité.
* L’espace privé est formé par l’ensemble des demeures. On y distingue au moins deux formes d’architecture : celle des maisons appartenant à la famille dominante (6 à 7 kasbahs) qui se caractérisent par l’élévation en hauteur. Les châtelets des amghars étaient bâtis sur deux ou trois niveaux. L’élévation en hauteur était commandé probablement par l’économie du terrain, le souci de défense, mais surtout par des préoccupations stratégiques.
Le rez-de-chaussée comprend généralement plusieurs chambres entourant un patio. Elles servaient, comme le décrit un informateur (Jamaleddine) de dépôt d’armes, de provisions, mais il faut considérer que cet usage est spécifique aux seuls kasbahs des amghars, alors que le même genre de bâtisse ailleurs abritent au rez-de-chaussée les animaux et sert de dépôt pour les fourrages, le bois et le matériel agricole. Le premier étage servait de grenier pour les céréales, les légumes et les fruits secs, outre les provisions en matière d’huile d’olive et de beurre. L’étage supérieur est réservé à la vie quotidienne, alors que les tours (bordj) forment un excellent lieu d’accueil pour les invités de marque (tours décorées).
La terrasse, elle aussi, joue plusieurs fonctions : séchoir pour les produits agricoles et dortoir pendant les nuits de grandes chaleurs estivales. C’est la raison pour laquelle les murs d’enceinte des terrasses sont généralement élevés. Ces somptueuses kasbahs dominent un certain nombre de dépendances moins élevées, telle la cour réservée aux animaux, l’étable et même la cuisine qui est déjà hors du bâtiment principal.
En contrepartie, les maisons qui forment l’habitat de la masse de la population, même si elles sont dominantes à cause de la topographie en pente, se caractérisent par leur surface réduite et par leur disposition qui suit les courbes de niveau.
En fait, il est d’abord intéressant de savoir l’ordre d’installation de l’ensemble des habitations. Le glissement s’est-il opéré à partir du sommet de la colline vers le bas ? cela veut dire que le clan Aït Ben Haddou a eu la dernière place, mais la plus belle ? ou du bas vers le haut, ce qui veut dire que les maîtres ont choisi les meilleurs places et les sujets ont escaladé la pente. La seconde hypothèse est peu probable car la situation dominante des maisons des “pauvres” n’est pas de nature à laisser indifférents les amghars. Si la première hypothèse est vraie, cela veut dire que les châtelets des amghars sont les plus récents, y compris évidemment la maison de Cheikh Brahim, qui a choisi un site dominant pour des raisons de non disponibilité de terrain.
Ces maisons, entre 80 et 120 m2, si elles se présentent sous forme d’habitat compact, généralement sans étage, ne présentent pas un grand intérêt architectural. Les rues sont étroites et par endroit couvertes, les murs sont aveugles. Au stade actuel, l’état de dégradation très avancé dont sont victimes, ces bâtiments ne nous permet pas de spéculer sur leur architecture intérieure, ni sur la vie sociale des habitants. Il serait peut-être intéressant de restituer par des relevés systématiques de toutes les maisons, le fonctionnement économique et social de l’espace habité.
D’après les informateurs, les techniques élaborées de construction ont toujours fait défaut aux Aït Ben Haddou. Les grands maâlems (artisans) étaient cherchés du côté de Tissint (Iflillisn), de Tikert (Ben Alach), mais surtout du côté de Skoura et Maghrane. Le travail était exécuté par des corvées imposées par les amghars. De même la plupart des matériaux de toiture, à part les tamaris, était importé; le roseau, le laurier rose, étaient transportés à dos d’ânes et de mulets, à partir de Taghzout Aït Touaya (route de Tazenakht) ou d’Assermou d’Id Boukhatri. Les poutres et poutrelles, elles-mêmes, étaient importées. Seul le pisé était prélevé sur place après l’avoir imbibé d’eau (jammar).
Les techniques de construction sont parmi les plus répandues dans le Sud marocain : les murs de pisé sont moulés entre deux planches dont les mesures diffèrent selon la hauteur et la grandeur des cases à construire (4). La partie supérieure des bâtisses est construite en briques séchées au soleil. Pour palier à l’effet d’humidité, le soubassement des murs se fait en pierres sèches. Le pisé, l’épaisseur des murs ont aussi un effet sur les aléas climatiques.
Les motifs géométriques qui forment l’ornementation des murs sont obtenus par des différents agencements de la brique et par le mortier d’argile et de paille malaxé avec de l’eau qui sert à crépir les murs. Sur les faîtes des murs, des éléments en bois ou des assemblages de tronçons de roseaux débordent d’environ 20 à 30 cm pour les protéger de la pluie.
Cet habitat harmonieusement intégré à son environnement humain et naturel, est maintenant tombé en désuétude suite à l’abandon de la fonction d’habitation et à la négligence dans l’entretien des maisons. Il est remplacé par une autre forme de constructions qui, à première vue reflète, pour ainsi dire, un oubli ou un dédain de toutes les traditions et de l’art de bâtir.
Après l’indépendance, le dernier des cheikh Aït Ben Haddou, l’Amghar Brahim, a perdu ses fonctions. Le déclin du village est devenu prévisible. Il s’est manifesté dans l’altération des anciennes structures. Le déclin des pouvoirs du clan, sans en être l’unique explication de la nouvelle situation, s’est mêlé à une panoplie d’éléments internes et externes pour accélérer la désagrégation du système.
Les habitants de la kasbah des Aït Ben Haddou construisent alors, les uns après les autres, des demeures sur la rive ouest de l’assif Marghen; ainsi se constitua Issiroid. Dernièrement, une association portant le nom d’Aït Aïssa a été fondée, peut-être pour dénoncer, au moins au niveau du symbole, l’accaparement des pouvoirs exercés pendant longtemps par le clan Aït Ben Haddou.
L’organisation politique d’autrefois
La tradition orale parle de l’existence de deux confédérations tribales dans la région. La première comprenait : Itelouan, Tikkirt, Aït Lhussain, Tamakucht et Aït Ouaziz alors que la seconde englobait : Aït Zineb, Aït Semgan et Imeghan, avec pour alliés (ameqq) les Aït Ben Haddou. En cas de conflit, par exemple contre les Aït Ouaouzguit de Taourirt ou de Tazenakht, ces derniers faisaient appel à leurs alliés.
La djemaâ des Aït Ben Haddou était constituée de douze personnes appelées imejmàen (ou ineflas), et présidée par un amghar ou cheikh. A l’époque des Glaoua, ils devaient, après leur élection par les habitants, se présenter devant le caïd de Telouet pour confirmer par signature leur légitimité. Les membres de la djemaâ étaient élus pas consensus chaque année au mois de juin après le moussem de Sidi Ali ou Amer.
Etaient élus les adultes (obligatoirement masculins) qui connaissaient mieux les intérêts de la qbila sans distinction de statut social. Sur le plan
juridique, le droit musulman (char) était en usage surtout en matière d’héritage. Cependant le droit coutumier (ùrf) était également pratiqué. Par exemple, si un habitant tuait un autre, il devait se réfugier chez les Imeghran pendant une année, période après laquelle il revenait au village pour égorger une bête afin de solliciter le pardon de la famille de la victime, si celle-ci était d’accord.
(1) oued Ounila
(2) référence Robert Montagne 1930
(3) P. Pascon
(4) le leuh