La route du Tichka

Le sanctuaire juif d’Iloughmane

Mis à jour : jeudi 23 février 2012 16:22
Le rabbi David Ou Moshe d’Agouim
Une fois, un Musulman se trouvait dans le sanctuaire. Alors qu’il disait quelque chose contre les Juifs, il perdit la vue: quand il regardait du côté du tombeau, il voyait; quand il regardait du côté de sa maison, il ne voyait rien. Fatigué, il s’adressa au saint et promit d’apporter au sanctuaire, à chaque hillulah, deux fagots de bois; il retrouva alors la vue.
C’est toujours avec un sentiment de grand respect et de crainte, que les juifs du Maroc évoquent le saint nom de Rabbi David Ou Moshe.
Rabbi David Ou Moshe fut choisi par les rabbins d'Israël, comme émissaire au Maroc avec pour mission de collecter de l’argent pour la Terre Sainte. C'était un rabbin ashkénaze, et son nom était David Vamash, son nom écrit en hébreu donne une consonance très semblable a David Ou Moshe.
Peu de temps après son arrivée au Maroc, rabbi David Ou Moshe arriva au village d'Agouim dans la région de Ouarzazate. Agouim est un petit village qui se trouve à 65 km d'Ouarzazate. Il compte aujourd'hui à peu près 2200 habitants. La langue parlée est le berbère. Les hommes travaillent aux champs, les femmes à la maison. Les maisons sont simples et faites en terre battue.
Il y a très longtemps vivaient dans cette région des juifs et des musulmans en famille, dans la paix, la tranquillité, l'amitié et le calme. La légende raconte que le jour que le rabbin rabbi David Ou Moshe arriva au village il n'y avait personne ou presque personne pour le recevoir, on lui raconte, que les habitants du village (juifs et musulmans) sont très malades et mourants a cause d'une épidémie contagieuse. Le rabbin se mit à prier et à se lamenter et dit alors: “Maître du monde ! Je suis venu pour ramasser de l’argent et tous ces gens vont mourir. Maître du monde ! J’accepte ma mort contre leurs vies.” Il alla au cimetière et trouva une tombe prête; il y descendit, disparut, et les anges, descendus du ciel, l’enterrèrent. De l’endroit où il s’était assis une source jaillit. Les gens du village qu’il avait sauvés en se sacrifiant sont alors tous partis à Jérusalem porter l’argent qu’il avait ramassé pour les pauvres et voir sa maison mais avant leur départ, le saint, leur est apparu en rêve pour leur dire ce qu’ils devaient faire toute leur vie.  
La tombe de David Ou Moshe devint un lieu de pèlerinage pour tous les juifs et musulmans du Maroc, et pour les juifs du monde entier. Le sanctuaire attirait, il n’y a pas si longtemps, des milliers et des milliers d’admirateurs; maintenant ses fidèles continuent à perpétuer son culte, en Israël. Les Musulmans, qui le vénèrent toujours, l’appellent Dawid ou Moussi. Tous les ans, les Juifs du Maroc et des Musulmans, se réunissent à son tombeau et apportent chacun une bête pour le sacrifice.
Contes et récits. Dans le cadre de recherches, il a été recueilli plus de 170 contes et récits sur la vie de ce saint et sur les bienfaits dont il continue encore paraît-il aujourd’hui à faire bénéficier les Juifs et les Musulmans.
Une fois, les Musulmans voulaient tuer leur cheikh. Il se sauva au cimetière des Juifs où il se cacha près du tombeau du Saint. Personne alors ne le trouva. Trois jours plus tard, les Musulmans comprenant leur erreur et ayant changé d’avis repartirent à sa recherche dans le cimetière et retrouvèrent tout de suite le cheikh. On lui demanda: “Où étais-tu passé ? - Voyez ce saint juif ! C’est lui qui m’a sauvé alors que vous me cherchiez pour me tuer.” Le cheikh fit alors le serment d’apporter, chaque année, un bœuf en sacrifice au sanctuaire du saint.
Sur le tombeau de David ou Moshe, les femmes laissent des pièces d’or sans surveillance. Personne n’ose y toucher pendant la nuit et la veille de la hillulah. La raison est que ces pièces absorbent la baraka du saint. On les reprend le lendemain et on les porte sur soi. Une fois, il y eut le cas d’une fillette qui prit une pièce. Sa main “sécha” sur place et resta fermée sur la pièce jusqu’à ce que le trésorier arrivât et priât le saint de lui pardonner vu son jeune âge. C’est alors que la main paralysée s’ouvrit, ce fut un miracle.
Un jour on voulut construire une route. Soudain on découvrit la sépulture du saint et personne ne put la déplacer. Les gens des travaux publics travaillaient sur la route, mais personne ni aucun engin ne pouvaient s’approcher de la tombe. Alors le saint est apparu et il leur a dit: “Je suis le rabbin David ou Moshe. Je suis mort à telle date et vous devez construire un tombeau où je suis enterré. Vous recevrez alors tout ce que vous voudrez mais ne touchez pas à ma sépulture, vous n’y réussirez pas. Vous construirez la pierre tombale, vous ferez la hillulah et vous maintiendrez une surveillance sur les lieux !” Après la construction du tombeau la route fit un détour pour l’éviter et depuis beaucoup de monde le visita, les femmes stériles et les malades.
Un jour un enfant de dix ans descendit avec son père au village d’Agouim. Il y avait là une route et des camions qui venaient de la mine d’Imini. Quand passait le long convoi de 30 camions personne ne pouvait s’approcher de la route. Un camion s’était arrêté bloquant tous les suivants. Quand il commença à redémarrer, il klaxonna, mais le gamin imprudent fut écrasé; le camion lui passa dessus. Son père poussa un cri comme s’il était mort sur place, tellement il avait peur. Le camion freina, le garçon se leva et courut vers son père, il n’avait rien. 
Un jour, la mule d’un Juif de Ouarzazate était à l’agonie et on voulut la jeter aux chiens. Un Juif dit alors au propriétaire qu’en donnant au saint la moitié de son prix, la mule vivrait. Il en fut ainsi, la mule ressuscita. Avec l’argent, on construisit une nouvelle chambre au sanctuaire...
Ces divers témoignages ont été recueillis pendant des années par Issachar Ben-Ami auprès des pèlerins et se retrouvent dans son ouvrage : Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc. Ed. Maisonneuve et Larose 1990.

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