La route du Tichka

Le douar de Tikirt

Mis à jour : dimanche 26 février 2012 13:29
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"Les montagnes tournent autour de notre pays", disent les habitants de Tikirt (ou Tikkirt, ou Tikrit). En effet, de quelque côté qu’on jette les yeux, on ne voit que massifs sombres. Au Sud et à l’Est, ce sont les flancs des oueds d’Ounil (oued Mellah) d’une part, Imini et Idermi de l’autre, talus rocheux de 150 à 200 mètres de haut. Au Nord et à l’Ouest, ce sont de très hautes crêtes, la plupart couvertes de neige, se perdant dans les nuages. On distingue de Tikkirt plusieurs sommets remarquables et plusieurs cols : jebel Anremer, Tizi n’Telouet, Tizi n Tichka, Tizi n’Tamanat, jebel Tidili, jebel Siroua. Les premiers appartiennent au Grand Atlas que les Berbères appellent Adrar n’Deren.
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Carte de E. Toutey 1909 (archives Daniel Rodier)
Tikkirt est bien mis en évidence
alors que Taourirt de Ouarzazate n'est pas indiqué

Ladreit de La Charrière. Extrait de : Au Maroc en suivant Foucauld. Ed. Soc. d’Edition Géographique, Maritime et Colonial 1932
Tikkirt n’offre rien de particulier si ce n’est d’être un des premiers exemples que l’on rencontre, en venant de Marrakech, d’un type particulier de groupement urbain. Avec ses cinq tighemts accolés, son enchevêtrement de rues, de placettes sur lesquelles s’ouvrent les auvents des demeures, la bourgade n’est plus le centre d’une domination seigneuriale comme Telouet ou plus loin dans le Ouarzazate à Taourirt, ou le couvent que sanctifie la présence d’un pieux marabout comme la zaouïa de Tamgrout; c’est une agglomération ouverte, mais dans laquelle chaque famille notable, chaque fraction importante, possède sa forteresse.
On combat parfois de maison à maison, car la proximité des demeures n’implique pas bon voisinage, au contraire. Quelque chose qui évoquerait, de très loin, la vie florentine du Moyen Âge avec ses luttes plus bruyantes que sanglantes, ses rivalités, ses intrigues, comme avec son aspect extérieur marqué ici comme là par l’apparence rébarbative des habitations.

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Le chef héréditaire des Aït Zineb

Extrait de : Reconnaissance au Maroc 1883-1884, par Charles de Foucauld.
Les divers territoires que j’ai traversé depuis les Glaoua, Assaka, Tizgi, Aït Zineb, appartiennent les premiers à des districts isolés, le dernier à une petite tribu. Les uns et les autres sont indépendants de fait, mais reconnaissent la suzeraineté du Sultan. Les marques de soumission qu’ils lui donnent se bornent à l’envoi annuel au Glaoui d’un présent dont la valeur varie entre 50 et 200 francs; de plus, si l’on prend des voleurs, on les expédie à Imaounin.
“L’Assaka, le Tizgi se gouvernent par leurs assemblées, anfaliz. Les Aït Zineb ont un cheikh héréditaire, Cheikh Mohammed, qui réside à Tikkirt; il ne domine que sur une partie de sa tribu, celle qui est à l’Est d'Imzourène; le reste, Imzourène, Tizgzaouin, Tadoula, s’est depuis peu rangé volontairement sous la domination du cheikh de Tazenakht, ez Zanifi : cela s’est fait sans guerre; la bonne intelligence des deux chefs n’a pas été troublée.

Dans un petit village pas très loin d'Imzourène, et un peu plus loin que Tikkirt, à Tamarouft, on trouve un petit cimetière bien entretenu et préservé où sur la majorité des tombes sont gravés les noms de différents Ouaknine qui ont vécu et prospéré durant de nombreuses générations en tant que riches propriétaires terriens.

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1935. Jeunes juifs de Tikkirt
Archives Besancenot

La forteresse de Tasgedlt

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Extrait de : Reconnaissance au Maroc 1883-1884, par Charles de Foucauld.
Dans son récit, Joseph Aleman décrit la forteresse telle qu'il l'a vue : "Je profite de mon séjour à Tikkirt pour aller visiter les ruines de Tasgedlt, célèbres dans le pays et objet de mille légendes. Elles se composent d’une enceinte presque carrée, jadis garnie de tours sur tout son développement. Les murailles, épaisses, ont dû être en maçonnerie à la base, en pisé dans le haut. Il en reste peu de chose : une partie des murs s’est écroulée; le reste, très écrêté, tombe chaque jour davantage. La partie sud est la mieux conservée; on y voit 7 ou 8 tours ayant encore 3 à 4 mètres. À l’intérieur de l’enceinte, s’élèvent des monceaux de pierres ne présentant que des débris informes. La forteresse est construite en amphithéâtre sur une côte rocheuse, d’une pente de 1/2 dont elle couvre toute la hauteur; dans sa portion nord, cette côte se transforme brusquement en une muraille verticale où s’ouvrent les bouches de plusieurs cavernes...

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Vestiges 2011 du même plan
avec l'ancienne porte, visible sur la gravure.
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Histoire ou légende des trois citadelles.
Le Vicomte poursuit sa description de l'architecture de ce vestige du patrimoine de la vallée de l'Imini en recueillant ce que les gens de l'époque en disaient. Il rapporte : "Une ancienne citadelle, des cavernes, voilà plus qu’il n’en faut aux habitants pour voir ici une trace du passage des chrétiens. D’ailleurs l’histoire n’est-elle pas là pour prouver la vérité de cette opinion, histoire écrite en des livres qu’on n’a pas pu me montrer, mais dont le contenu est dans la mémoire de chacun. Naguère, il y a bien des siècles, trois princesses, filles d’un roi chrétien, régnaient sur ces contrées : l’une, Doula bent Oued, résidait en cette forteresse de Tasgedlt; une autre, Zelfa bent Oued, en habitait une semblable, sur les bords de l'assif Marren, près de Teççaïout; la troisième, Stouka bent Oued, une semblable encore à Taskoukt sur l’Oued Imini : en ces trois lieux se voient des ruines pareilles. Les musulmans firent longtemps la guerre aux trois princesses chrétiennes et finirent par les chasser. Il est plus probable que les trois qaçbas sont l’œuvre d’un même sultan, celui sans doute qui construisit le pont de Oued Rdat."
Le croquis réalisé par le Vicomte est intitulé "Vue d'ensemble des ruines de Tasgedlt". Il précise qu'il l'a dessiné depuis le lit de l'oued Tidili.
Carte d'état-major IGN, annexe Rabat 1948
Extrait de la feuille Ouarzazate (ex Tikirt) 1-2
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Les gravures, oeuvres de Charles de Foucauld, sont extraites de son livre : Reconnaissance au Maroc (1883-1884). Réédition Les Introuvables, L'Harmattan 1998, pages 89, 93 et 94

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Remerciements

Merci à Madame Balmigère, à Madame Decordier, à Monsieur Lafite, à Madame Kerhuel et à Pierre Katrakazos pour avoir accepté de mettre leurs archives familiales à disposition. Sauf indication contraire, les documents reproduits font partie des archives de l’auteur.