Vallée du Drâa

Agdz et l’histoire des caïds des Mezguita

Mis à jour : lundi 7 décembre 2015 11:11

Lorsque fut créé le poste de Ouarzazate, qui était véritablement le centre d’une étoile, le commandement était fondé à croire qu’il pourrait diriger de ce point une piste autocyclabe directe vers Agdz et la vallée du Drâa. Les difficulté du terrain l’ont momentanément obligé à faire déboîter, aux Aït ben Haddou, la piste qui, bifurquant vers Tazenakht, desservira ensuite, par un double embranchement, le poste d’Agdz des Mezguita par Bou Azzer et par Alougoum le futur bureau de Foum Zguid.

La piste Tazenakht - Bou Azzer - Agdz

Source : Archives photos datant de 1931, issues d'un officier
du Régiment d'Artillerie d'Afrique

 

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Tours de guet des goums, contacts optiques

Sur la piste directe Ouarzazate - Agdz, il était de tradition de donner aux tours des goums, chargées de la surveillance des pistes, le nom des officiers des Affaires Indigènes qui avaient été chargés de la construction.
En partant de Ouarzazate :
A gauche de la route : Tour Bossan.
A gauche de la route : Tour Tournier.
A droite de la route : Poste et Tour Chardon au Tizi n'Tinifift, 1660 mètres.
A droite de la route : Tour Denis.

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Archives Decordier


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Le ksar et la kasbah de Tamnougalt
Le ksar de Tamnougalt a été fondé il y a déjà plus de trois siècle par les Engadi, une famille de caïds et de personnalités du Makhzen. L’ancienne kasbah située à la lisière des champs sur la rive gauche de l’oued Drâa contenait, outre les résidences somptueuses des caïds, le sanctuaire d’un marabout et l’ancien mellah.

La nouvelle kasbah, construite au début du XXe siècle, a choisi comme site le sommet de la colline avec sa vue grandiose sur la palmeraie et la vallée. Très spectaculaire de loin dans son site au pied de la muraille du jebel Kissane, malgré son allure imposante et sa finesse architecturale, Tamnougalt, après la perte de sa fonction temporelle de caïdat et spirituelle de zaouïa, et après le départ de la communauté juive qui y résidait (plus de 200 israélites recensés), est maintenant dans un état de dégradation avancé.
La kasbah Tamnougalt n'était pas le seul siège du gouvernement du caïd de l’époque. Pour pouvoir mieux s'occuper de ses affaires d'état, il fit bâtir plusieurs kasbahs, dont celle d'Asslim, il y a 250 ans, dans les environs d'Agdz. Le dernier caïd de la famille, Caïd Si Ali, vécut au début du XXe siècle, à l'époque où les Français voulait prendre le sud du Maroc sous leur tutelle. Le Glaoui fut nommé par le Makhzen représentant de tout le Sud. Pour agrandir sa puissance, celui-ci aida les Français, il essaya de persuader les caïds de l'aider. Il réussit chez les caïds élus par le peuple, mais les caïds nommés par le Sultan prirent parti pour celui-ci. Caïd Si Ali devint un très grand adversaire du Glaoui, mais les Français réussirent leur tutelle et le Sultan partit en exil.

Tamnougalt

 

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Du 20 au 30 janvier 1930, une reconnaissance commandée par le capitaine Daumarie, chef du Bureau du Cercle du Ouarzazate, et comprenant plusieurs officiers, un médecin militaire et un ingénieur du service des Travaux publics, circule dans la région située entre le Ouarzazate, Tazenakht des Ait Ameur et les Mezguita. Elle reçoit le meilleur accueil du caïd Si Ali qui lui offre l'hospitalité à Tamnougalt.


Agdz
Itinéraire de la mission qui n'a rien à voir avec les routes actuelles.

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Plan et photos issus de la revue L'Illustration du 15 mars 1930


La kasbah de Tamnougalt en 1930
Archives Lafite
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Enfin, le 15 mai 1930, le général de division Huré, commandant la région de Marrakech, atterrit à Agdz des Mezguita, avec onze avions. Le général et sa suite, qui comprend douze officiers et un ingénieur du service des Ponts et Chaussées, sont reçus par le caïd Si Ali et par le caïd El Arabi, des Ouled Yahia.

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Archives Daniel Rodier


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Le bordj d'Agdz en 1950


Dans les années 40, le Glaoui réussit enfin à faire détrôner Caïd Ali de ses fonctions et un autre caïd prit sa place. Lorsque Mohammed V revint (en 1955) de son exil, tous les caïds qui lui avaient été fidèles et perdus leurs fonctions vinrent lui rendre hommage. Caïd Ali aussi, mais lui était trop âgé maintenant et un de ses nombreux fils devait hériter du titre. Malheureusement chacun d'eux voulait occuper ce poste important et il ne fut pas possible de s'entendre. Le caïdat fut perdu pour la famille. Dans la même année Caïd Ali mourut. Les dix kasbahs qui lui appartenaient furent partagées entre ses enfants. Ahmed, son fils préféré, reçut Asslim, la plus belle propriété.

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1931. La famille du caïd Ali
vue par le lieutenant Georges Spillmann, chef du bureau des A.I. d’Agdz


Source : Extrait de son livre, écrit en collaboration avec le lieutenant Beaurpère, sous le titre : Districts et tribus de la haute vallée du Draa.
Le commandement des Mezguita est héréditaire dans la famille des Ouled Lhassen de Tamnougalt. Il est exercé par le chef des membres de la famille habitant la maison de commandement de Tamnougalt. Les descendants qui, à un moment donné, se sont détachés de la maison mère pour former un foyer et vivre séparément ne peuvent plus être désignés pour exercer le commandement.
Le caïd est secondé par le khalifa qui est son successeur éventuel. A la mort du caïd, toute la famille se réunit à Tamnougalt pour assister aux funérailles et, là, en présence du cadi, des ouléma et du cheikh de la zaouïa de Sidi Salh, dont font partie les membres de la famille de Tamnougalt, le khalifa est proclamé caïd.
Le caïd désigne lui-même son khalifa qui est obligatoirement le plus âgé de ses frères; à défaut de frère (ou si le frère restant est trop jeune pour exercer les fonctions), le choix se porte sur le plus âgé de ses fils, de ses neveux ou même de ses cousins vivant dans la maison de commandement. Si les candidats sont à peu près du même âge, un conseil de famille se réunit et l'on désigne celui qui parait le plus capable d'exercer les fonctions de khalifa et, plus tard, celles du caïd. Il ne parait pas douteux que les Mezguita doivent leur indépendance à cette famille de chefs héréditaires qui ont su les maintenir unis.
Si Ali, frère de l'ex-caïd Si Boubeker et fils de feu le caïd Si Abderrahmane, est actuellement investi du commandement des Mezguita. Il a pour khalifa et successeur désigné, son cousin germain Si el Hassan ou Si el Abbas.
Chacun des ksour des Mezguita est administré par un ou deux notables, pris parmi les meilleurs familles de la cité, et relevant directement du caïd Si Ali. Ce dernier rassemble tous les notables de la tribu quand il a des ordres important à donner.
Les impositions en nature ou en argent sont fixées par le caïd. Elles sont ensuite réparties entre chaque ksar au prorata du nombre des habitants et de leur richesse. Si Ali semble exercer un pouvoir absolu et personne n'oserait, tout au moins en public, discuter ses décisions. Il se trouve sous la dépendance du caïd Si Hammou, de Telouet, qui commande toutes les tribus d'influence Glaoua situées sur le versant sud de l'Atlas.

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1931. Première infirmerie du petit poste d'Agdz

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Une kasbah des Mezguita


AGDZ
Source : Revue du Touring Club de France, janvier 1933, extrait d’un article de Jean Gattefossé sur un voyage effectué en mai 1932.

A midi, nous sommes au poste d’Agdz, perché à 1050 mètres, sur un piton étroit dominant de 150 mètres la merveilleuse palmeraie des Mezguita. Le panorama est splendide; à nos pieds, les dattiers touffus ne s’élèvent pas, comme au dadès, au-dessus de vertes cultures mais croissent directement sur une sol poussiéreux et blanchâtre; ils s’étendent à l’infini vers le Sud; la palmeraie étant indiscontinue sur 150 kilomètres, le long du fleuve.
Comme toile de fond, l’imposant massif du Kissane, étrangement découpé en pagode chinoise, et sur le sommet duquel existent de curieuses cuvettes d’origine inconnue, desquelles il tire son nom : kissane = les coupes, ou tasses.
Nous parcourons cette oasis et celle des Ighergher par une intense chaleur; d’immenses tamarix à takaout (1) ou des gommiers s’élèvent à côté de marabouts de terre ornementés de chiffons; de loin en loin, apparaît l’arbuste le plus typique de la flore saharienne : le calotropis, aux larges feuilles glauques, dont les fruits volumineux et les belles grappes de fleurs blanches et mauves attirent l’attention. Son latex caustique le fait prendre souvent pour une euphorbiacée et c’est sous ce nom erroné qu’on le voit cité dans les récits de voyageurs, notamment dans “La Croisière Noire”. Sous le couvert des dattiers, autour des villages, les arbres fruitiers reparaissent, surtout le figuier et l’abricotier, et les roses de Damas au délicieux parfum composent encore les haies.
Le long de l’oued, l’ombre des tamarix est propice au repos; une neige parfumée, de couleur rose, tombe fine et continue; ce sont les graines ailées des tamarix arrivées à maturité.
(1) Le tamarix articulé est producteur de la galle, nommée en Afrique du Nord “takaout”, et qui est le tannin qui permet la fabrication des cuirs filalis.

La protection de séguias

Jusqu’à la présence française dans le Drâa en 1932, le pays vivait dans l’insécurité, toujours menacé par les agressions des nomades sahariens ou en proie aux luttes intestines; beaucoup de ces dernières étaient déclenchées par les rivalités pour s’emparer de l’eau, cette eau si vitale que sa possession primat tout autre intérêt.
Aussi, de génération en génération, les tribus se sont-elles battues pour la conquête et la défense des têtes de séguias d’irrigation. C’est pourquoi de nombreux fortins y étaient construits avec des hommes armés qui veillaient en permanence. L’un des plus importants de ces fortins était la Tighremt n’Taliouine qui gardait la tête de séguia des Mezguita, dans le haut district, près d’Agdz.
De plan carré, à quatre grosses tours, ces fortins de garde étaient construits en pisé sur des soubassements de galets; toute la base correspondant au rez-de-chaussée était remplie de terre et de pierraille, ce qui assurait sa résistance aux assauts des hommes comme à ceux des crues. L’ouverture d’entrée se trouvait reportée à trois mètres au-dessus du sol extérieur, nécessitant l’emploi d’une corde et rendant plus ardu la prise d’un tel bastion (appelé en arabe le-qsiba), entouré en outre d’une enceinte à quatre tours d’angle.
Dans toute la vallée du Drâa, les rives étaient jalonnées de ces fortins qui se tenaient partout où se trouvaient exposé un ouvrage d’irrigation dont dépendait la vie d’un district en aval. Les Roha, par exemple, n’avaient pas moins de quatre fortins successifs pour défendre leur canal que les gens du Tinzouline s’efforçaient toujours de détruire.
Outre ces fortins, de nombreuses tours de guet étaient disposées aux alentours des villages et dans les palmeraies, surveillant les canaux secondaires et les rigoles, protégeant également les travailleurs agricoles. Ces vigies, tours quadrangulaires d’unviron 4 mètres de côté à la base, étaient habituellement bâties en briques crues, recouvertes parfois d’un enduit; elles comprenaient : une base pleine, deux étages, et la terrasse que protégeait un mur de tir; trous d’hommes pour passer d’un  étage à l’autre. Ces tours de guet (agouddim ou lborj en berbère) étaient autrefois occupées jour et nuit par des sentinelles (dix à vingt guetteurs) : le jour, pour empêcher les brigands montagnards de venir attaquer les puiseurs d’eau arrosant les jardins; la nuit, pour que les maraudeurs ne puissent voler l’orge sur pied ou d’autres récoltes.

Je recherche des personnes ayant eu quelqu’un de leur famille en poste à Ouarzazate ou dans son “territoire”, autant militaire que civil. Si elles veulent témoigner, ce site est à leur disposition. Textes et photos seront les bienvenus. Évidemment votre participation passera sous votre nom.
Merci pour votre attention. Jacques Gandini.