Colonnes de pacification

Le jebel Ougnat, 1932-1933

Mis à jour : jeudi 25 août 2011 12:32
Source : Le Maroc héroïque par le Dr. Jean Vial. Edition Hachette 1938

Vial

Depuis le mois de novembre 1932, les forces makhzen contrôlaient l’oued Regg en bordure immédiate du jebel Saghro, à quelque 120 km à l’Ouest du Tafilalet.
Le jebel Ougnat, un chaos de roches volcaniques, sauvage et déshérité, fut longtemps une menace pour le Tafilalet à proximité duquel venaient mourir ses premiers contreforts.
Mais l’Ougnat n’était pas pacifié pour autant, car il n’était qu’un lieu de passage et personne ne l’habitait. Dans ses ravins étroits, sur ses croupes rocheuses qui se succèdent interminablement, les djicheurs, bien dissimulés, savaient attendre l’heure favorable, surveillant la faute et n’attaquant qu’à coup sûr.
Encerclé par les postes de Touroug et d’Asghir au Nord, de Mcissi au Sud et Alnif à l’Ouest, l’Ougnat était parcouru inlassablement par quatre goums qui avaient fort à faire pour en assurer la police. En un lieu très encaissé, au centre du massif, à Tinifift (l’entonnoir), point de passage des bandes dissidentes, veillaient 30 mokhaznis et un sous-officier de premier ordre; un de ces héros modestes, timides et toujours souriants, qui semblait ne pas voir le danger l’entourant, mais y pensant tout le temps et savant y parer.
Artiste autant que soldat, cet homme transforma en demeure confortable les ruines d’une misérable kasbah et, les premières rencontres, corrigea durement les dissidents. Il était bien connu  parce qu’il fit décapiter l’un d’eux et, à titre d’exemple, fit exposer sur un piquet de fer la tête de la victime au point de passage favori des djicheurs.
J’ai vu cette tête crépue, cette face parcheminée au soleil; j’ai vu ce sous-officier redoutable aux traits fins et à la voix douce, qui faisait de forts jolis dessins à la plume d’une si pittoresque région depuis que les “salopards” lui en laissaient le temps...
En d’autres points, une bande d’irréductibles multipliait rezzou et pillages. Les 6 et 8 décembre 1932, des convois automobiles de ravitaillement sont attaqués et les conducteurs assassinés. Le 7 janvier 1933, à Assemane, un fort parti surprend et blesse mortellement le capitaine Melmoux; chef du bureau des A.I. d’Erfoud, un ancien saharien pourtant, un “vieux renard” qui connaissait à fond la manière des djicheurs.
En tournée dans l’Ougnat, Melmoux fut encerclé et son avant-garde massacrée; sauvé miraculeusement des mains ennemies par le capitaine Blazy, il fut emporté vers l’arrière sur le cheval d’un mokhazni en fuite, tandis que Blazy, poursuivi par les bandits, abandonné de tout le Makhzen, un genou blessé, revint en boitillant “seul dans la nature...”. Il se demanda longtemps pourquoi les “salopards” s’étaient arrêtés à quelque 100 mètres de lui pour piller les cadavres et l’avaient lentement s’éloigner.
Le 20 janvier, 5 spahis étaient encore tués, le lieutenant Le Gouvello et le médecin-lieutenant Brunati blessés. Chaque fois poursuivi, l’adversaire disparaissait et regagnait le jebel Saghro à la faveur de la nuit. On comprit alors que ce massif redoutable restait le véritable nid des dissidents de tout ordre et qu’il fallait se décider à l’investir.
1933. Mcissi, mort du lieutenant Fromentin
En 1933, lors de l’investissement des abords du jebel Sagho, comme les djemaâs des ksour de l’oued Mcissi, sur le versant sud de l’Ougnate, demande la protection du Makhzen, le lieutenant-colonel Trinquet occupe l’agglomération de Mcissi le 14 février; tous les Aït Isfoul se soumettent alors.
L’établissement d’un poste en ce point éloignera du Ferkla les fauteurs de trouble et assurera en partie la couverture vers le Sud de la rocade Ouarzazate - Ksar es souk. La pression sur les Aït Atta réfugiés dans les jebels augmentant, des délégations de fractions Aït Yazza, Aït Isfoul, Aït Khebbache des villages de l’oued Regg, en aval de Tahoulount viennent affirmer leurs dispositions favorables à une soumission.
Le 17, un détachement exécute dans de bonnes conditions, une reconnaissance jusqu’à Tazoulaït et Bou-Dib. Une djemaâ Aït Yazza du Regg s’engage à aider le Makhzen à maintenir l’ordre; il reste néanmoins des partis hostiles.
Dans la nuit du 20 au 21, environ 250 guerriers attaquent le camp de Mcissi; ils subissent un échec complet mais le lieutenant Fromentin est tué lors de la poursuite. L’affaire coûte en outre trois blessés dont un officier.