Colonnes de pacification

Février-mars 1931, l'occupation de Taouz

Mis à jour : lundi 2 février 2015 17:32
En 1930, l'objectif du commandement est certes, l'occupation de la palmeraie du Tafilalet, berceau de la dynastie régnante, mais le souvenir de l'échec sanglant de Tighmart en 1918 n'est pas oublié. Il est donc décidé que l'immense palmeraie devra être encerclée avant d'être attaquée. L'encerclement aura en outre l'avantage de permettre d'observer les réactions des ksouriens et des chorfa alaouites et, peut-être, de dissocier quelques groupes de Filaliens du noyau d'hostilité xénophobe constitué autour de Belkacem n'Gadi, pâle successeur de Sidi Mohamed n'Ifrouten el Semlali.

L'installation d'un poste militaire au Rich el Harroun et l'occupation de l'oasis de Taouz, où il sera créé un Bureau des Affaires Indigènes, ont pour but de réaliser cet encerclement par l'Est et par le Sud. Le général Giraud décide donc d'appliquer à cette opération tous les moyens disponibles de son commandement. L'opération ne devrait pas comporter de gros risques, car les ksouriens de Taouz entretiennent depuis plus d'un an des rapports avec les officiers des Affaires Indigènes.

Hamada_du_Guir_Oct_1932_gour_Megheimime
Photo d'époque

Il constitue deux groupements d'attaque, aux ordres du colonel Denis, commandant le Territoire du Sud, et Trinquet, commandant celui de Colomb Béchar, et deux groupements d'observation du Tafilalet, susceptibles d'intervenir en cas de réaction hostile des Filaliens. Les troupes se concentrent le 27 février 1931 dans la région de Megheimine, en bordure de la hamada du Guir. Elles comprennent pour le groupement Denis, les compagnies sahariennes du Guir et du Ziz, et le 15e Goum qui, sous les ordres du lieutenant Granger, va faire ses premières armes en région présaharienne, et, pour le groupement Trinquet, la compagnie méhariste de la Saoura. Ces forces supplétives sont soutenues par des unités régulières. Légion et tirailleurs, dont le bataillon mixte de Béchar, constitué par deux compagnies du 1er Etranger et deux compagnies du 2e R.T.A. Le 17e Goum de Bou Anane participe aussi à l'opération, au sein d'un groupement d'observation stationné dans la région Tisserdmine.

La date de l'opération doit être avancée de 24 heures à la demande de la djemaâ de Taouz, qui craint une action préventive des nomades Reguibat. La marche sur Taouz, s'effectue donc, dans la nuit du 27 au 28 février, en deux bonds. Le jebel Begaa (Behaa) est occupé par surprise ; une halte de 4 heures permet de regrouper les unités avant que le groupement Denis se porte directement sur Taouz qu'il occupe dès 10 heures du matin. Les ksouriens font leur soumission tout aussitôt.

Durant le mois de mars, tandis que les forces régulières sont occupées à la construction et à l'aménagement du nouveau poste, les forces supplétives effectuent des reconnaissances en profondeur autour de Taouz, notamment le 17 mars, où les compagnies sahariennes du Ziz et du Guir, et le 15e Goum, aux ordres du lieutenant-colonel Arlabosse, se portent jusqu'à la région des Maîder, à les dernières eux du Ziz et du Gheris viennent se mêler aux rares eaux d'orage du reg, dans une vaste zone d'épandage, fertile au moment des crues. Le contact est pris dans la région d'Ouzina, où quelques coups de fusil sont échangés, puis, plus loin, ce sont des campements d'Aït Atta qui offrent le thé et … des sauterelles séchées.

Convoi_dans_les_Confins_19321932. Convoi dans les Confins

Le 20 mars, toutes les unités se regroupent à Taouz, qu'une piste qui vient de relier à Erfoud et qu'empruntent les premiers camions de ravitaillement. L'opération s'est effectuée sans perte, sauf un équipage du 37e Régiment d'Aviation, qui, survolant le Tafilalet en mission photographique, subit le tir des dissidents : une balle frappe au cheour l'observateur, le sous-lieutenant Hennequin.
La deuxième partie de l'opération, l'occupation du Rich el Haroun, se déroule dans la foulée, du 30 mars au 12 avril. Les 15e et 17e Goums y participent, à l'avant-garde d'un groupement aux ordres du colonel Despas. Les Filaliens, se sentant plus directement visés, ne tardent pas à réagir par des infiltrations de petits groupes et par le feu de tireurs isolés. La construction du poste d'El Haroun se poursuit cependant, sous la protections des goums dont les patrouillent ramènent peu à peu le calme dans le secteur.

Mais les attaques sur les éléments de sécurité du Makhzen ne cessent pas pour autant ; les djicheurs n'hésitent pas à s'attaquer avec succès aux véhicules blindés. Le 30 mars, ils criblent de balles un escadron d'AMC (1) et tuent le capitaine Sevestre, qui commande la patrouille. Le 8 avril, profitant d'un fort vent de sable, ils affrontent un peloton d'AMC en reconnaissance dans la région de Merzouga et tuent le lieutenant Blanc, chef de peloton, et un sou-officier. Le 15 avril, un djich important se prépare à attaquer l'avant-garde d'un détachement faisant route de Merzouga sur Taouz. Un avion de reconnaissance le découvre, descend à basse altitude pour mieux le repérer et prévenir le gros des forces. Il est pris sous le feu du djich qui parvient à tuer l'observateur, le lieutenant Froissard.

Confins_Mars_1931
Lieutenant Froissard



A maintes reprises, au cours des dernières opérations de la pacification, des équipages paieront de leur vie les risques pris pour mieux aider les troupes à terre.
La campagne de printemps se termine le 12 avril 1931, date à laquelle le groupe mobile des Confins est dissous. Le 31 octobre 1931, la ligne des postes avancés est jalonnée par Mzizel (38e Goum), Tarda (33e Goum), Guefifat sur le Gheris (7e Goum), Ba Haddi au Sud d'Erfoud, El Haroun et Taouz. Des intelligences sont nouées sur toute l'étendue du front, mais seule l'occupation des zones d'habitat ralliera les hésitants en les soustrayant à l'action des éléments les plus turbulents, et parmi ceux-ci, les Aït Hamou et les Aït Khebbach.

(1) Auto Mitrailleuse de Cavalerie

 

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