L'artillerie

Les véhicules blindés

Mis à jour : lundi 12 décembre 2016 18:35
Les véhicules livrés au Maroc ont été employés dans des conditions nouvelles, en des terrains difficiles, hérissés d’obstacles naturels particu-lièrement pénibles à franchir : bancs de rochers, zones sableuses, galets aux tranchantes aspérités, montées abruptes, descentes à pic, franchissement d’oueds, etc.
Les unités motorisées employées au cours des dernières opérations de pacification ont utilisé trois types de voitures à vitesses démultipliées : Panhard-Levassor, Berliet et White-Laffly.

Les Panhard-Levassor

Les unités motorisées employèrent deux sortes de Panhard-Levassor : les véhicules de combat et les camions transporteurs de troupe.

L’AMD Panhard 165/175 TOE

Voiture spéciale issue d’un programme d’automitrailleuse 20 CV.
Armée d’un canon de 37 mm et de deux fusils mitrailleurs dont un pour un usage à terre. Le canon et le fusil mitrailleur sont jumelés et protégés par une tourelle rotative.
Double conduite, marche avant et arrière.
Visibilité indirecte excellente; l’utilisation de l’épiscope assurait à l’équipage une sécurité absolue.
Équipage comprenant un chef de voiture, deux conducteurs suivant le sens de la marche et un tireur. Le conducteur marche arrière est appelé l’inverseur.

Le camion blindé Panhard 179

Voiture spéciale 179, d’après l’appellation du constructeur.
Quatre postes de tir : un à l’avant, un à l’arrière, un à droite, un à gauche.
Équipage composé d’un chef de voiture, un conducteur et un tireur. Elle transporte un groupe de combat de dix hommes.
L’armement comporte deux fusils mitrailleurs dont un appartient au groupe de combat embarqué
Lors des dernières opérations de février-mars 1934, la compagnie automobile du 1er REI fut toutefois la seule unité qui utilisa conjointement les deux versions de la Panhard : deux pelotons d’AMD 165/175 TOE et 14 camions blindés 179 établis sur le même châssis, dont deux étaient des voitures de commandement avec TSF.

La voiture de prise de contact Berliet VUDB

Marche avant seulement mais 4 roues motrices.
Plus légère que les autres modèles et d’un plus faible empattement.
Sans tourelle, le tireur doit changer de place le fusil mitrailleur.
Visibilité par volets, action dangereuse.
Autonomie : 200 km maximum.
Véhicule considéré à l’époque comme fragile et handicapant avec sa mécanique complexe. Nécessité d’un accompagnement par plusieurs véhicules-ateliers.
Pour les opérations de 1934, les trois escadrons du 1er REC, Régiment Etranger de Cavalerie, et du 1er RCA, Régiment de Chasseurs d’Afrique, regroupèrent la quasi totalité des 50 VUDB livrés à l’armée française au Maroc.

La White-Laffly

L’AMD Laffly 50 AM

Ce véhicule est un châssis Laffly sur lequel une carrosserie blindé White a été installée.
Pour plus de précision : cette automitrailleuse est composée d’un blindage français Ségur & Lorfeuvre monté sur un châssis de camion américain 2,5 t White TBC. En 1932-34, ce dernier sera remplacé sur une partie de la production par un châssis Laffly LC 2. Ce véhicule transformé devint officiellement l’AMD Laffly 50 AM (moteur de 50 CV, châssis type automitrailleuse). Aucun élément White ne subsistera sur ce nouveau modèle mais le nom restera. 

Ouarzazate_1931_AMC_de_scurit_copy
1931. AMD de sécurité à Ouarzazate
Automitrailleuse
Confins_1932
1932. AMD d'escorte dans les Confins


Autos_blindes_1Autos_blindes


Confins._Blinde_Nord_Est_de_Megheimime_1932
1932 Confins. AMD au Nord Est de Megheimime


Identique au Panhard, la White-Laffly dispose d’un système de marche avant et de marche arrière.
Son moteur tournant à 3000 tours est un handicap pour les zones sableuses.
Un blindage de 8mm assure une protection parfaite aux équipages.
Canon de 37mm et une mitrailleuse lourde.

Break saharien Laffly LC 2

Communément appelé “camionnette” du modèle en service à la CMA du 4e REI. Même mécanique que la White-Laffly.
Sur tous les véhicules sahariens, la carrosserie était en tôle, afin d’éviter le pourrissement et les termites.

Commentaires d’utilisateurs

Employées au Maroc pour les zones sahariennes, les voitures auraient gagné à être allégées, surtout ventilées et réfrigérées. Les occupants ont eu à supporter des températures intérieures dépassant souvent 60°.
Sauf dans les Panhard-Levassor, la visibilité était mauvaise.
Les moteurs n’étaient pas assez puissants alors qu’ils auraient du être calculés sur la base de 10 chevaux par tonne.
Le pneu Veil-Picard a fait ses preuves; avec ses 900 cellules isolées, il était pratiquement increvable.

Blinds

Pour plus de renseignements, il est recommandé de se procurer la revue Histoire de Guerre. Blindés et matériel, n°78, août-septembre 2007, dont 10 pages sont consacrées aux blindés utilisés lors des dernières opérations de pacification en 1934 dans le Sud-marocain. Étude effectuée par François Vauvillier d’après l’ouvrage du journaliste Henry Clérisse : Le Souss mystérieux, paru en 1935 aux éditions Mage.
 

Tizraouline_blinde
 

Les blindés dans la pacification

Dans les combats du Tafilalet, les unités motorisées ont parfois joué de malchance. Etait-ce un coup du sort ? ou bien le blindage de leurs chars diminuait-il chez les officiers la prudence de tous les instants, indispensable en ce pays.
Les monstres d’acier du capitaine Sevestre, chargé de protéger les pionniers de la piste, n’effrayaient guère les dissidents. Dangereusement accroché, Sevestre émerge de sa tourelle pour mieux donner ses ordres et retombe foudroyé d’une balle à la carotide.
Plus tard, le lieutenant Blanc, en reconnaissance au long de l’oued Amerbouh, est surpris par une tempête de sable, en tête de son peloton d’automitrailleuses engagées dans un très mauvais terrain; il n’y a plus de liaison possible ni à vue, ni à voix, entre les véhicules. Il fait halte au bord de la falaise qui surplombe l’oued et permet à son conducteur de s’éloigner un court instant. Une détonation retentit, le sous-officier, parti à la recherche du conducteur, est blessé à son tour. Blanc se réfugie dans son automitrailleuse bientôt cernée par les dissidents. Il y brûle toutes ses munitions et tombe, tiré à bout portant par une fente de visée, cependant qu’autour de l’inutile cuirasse le vent de sable fait fureur...

1932. Les combats de Mcissi, sur les traces de Belgacem N’Gadi

Un important groupement de poursuite s’est constitué. Trois goums sous la direction du commandant Suffren, 8 escadrons de spahis et de légionnaires, un escadron d’automitrailleuses couvrent la plaine et progressent dans l’axe de la piste de Mcissi. La compagnie motorisée du 1er Etranger est à l’avant-garde; elle va s’illustrer le 17 janvier dans un combat qui montre de manière éclatante le parti que l’on peut tirer d’une telle unité.
Composé de trois pelotons, d’armement et de rôle différents, la compagnie Robitaille s’annonce redoutable, mais n’a pu faire encore ses preuves. Un peloton de 100 hommes portés sur camions Panhard en constitue le noyau d’attaque. Pour le protéger, ou pouvant agir séparément, deux pelotons d’automitrailleuses blindées : le peloton léger de reconnaissance Berliet, armé de mitrailleuses et fusils-mitrailleurs; le peloton blindé White, armé de fusils-mitrailleurs et de canons de 37 millimètres. Rapidité, protection cuirassée et grande puissance de feu, telles sont les caractéristiques de cette formation qui, de 1930 à 1934, sera de toutes les expéditions glorieuses.
Marchant sur les traces de Belgacem, le groupement Lahure arrive le 17 janvier, à 9 heures, en vue du ksar et de la palmeraie de Mcissi, à 90 km du Tafilalet. L’avant-garde est saluée à 1500 mètres par des coups de fusil. rapidement, le peloton porté débarque à l’abri d’une crête et progresse par bonds vers le village, appuyé par les 37 du peloton White, tandis que les Berliet légères, “utilisant leur vitesse et leurs possibilités de progression à travers tous terrains”, reçoivent la mission de nettoyer la palmeraie.
Leur tâche n’est pas facile.
Notre marche foudroyante, écrit le lieutenant Gambiez qui les commande, produit d’abord sur les dissidents un effet moral considérable. Mais, à 300 ou 400 mètres de la lisière des palmiers, le peloton se heurte à une série de bancs de sable : arrêt brutal des voitures blindées enlisées. Il faut alors, pour les franchir, dérouler bout à bout les grillages de secours et répéter plusieurs fois cette opération... Ces manœuvres, exécutées sous le feu des dissidents, qui se sont vite ressaisis devant l’échec des blindées, se font en rampant et au prix de gros efforts.
Enfin, le peloton pénètre dans la palmeraie; les fusils-mitrailleurs crépitent, les dissidents perdent pied, mais il est difficile d’atteindre leur silhouette fugitive qui apparaît à peine entre les palmiers...
Tourné par le peloton Berliet, canonné par le peloton White, pris à la gorge par les fantassins du peloton porté, le ksar se défend toujours, écrit aussi le lieutenant Agostini. Mitrailleuses et canons de 37 criblent de leurs projectiles le sommet des remparts et les petites fenêtres d’où jaillissent sans arrêt les lueurs des coups de fusil. Traversant au pas de charge les derniers mètres qui les séparent de l’ennemi, les légionnaires se précipitent alors sur la porte du ksar, l’enfoncent, et pénètrent dans la kasbah, dont les défenseurs se rendent après une courte mais violente lutte... La victoire a été possible sans grosses pertes, grâce à la coopération intime des légionnaires à pied (doublés des goumiers du commandant Suffren) et des légionnaires blindés.


Source : Le Maroc héroïque par le Dr. Jean Vial. Ed. Hachette 1938